La conférence de Yalta : entre réalité et légende
L’image est gravée dans la mémoire collective : Churchill, Roosevelt et Staline assis côte à côte devant le palais de Livadia, en février 1945. Depuis, un mythe persiste : à Yalta, les Alliés auraient scellé le partage du monde. Pourtant, cette vision simpliste ne résiste pas à l’analyse historique. Retour sur un sommet clé qui a façonné l’après-guerre sans pour autant décider du destin du globe.
Un sommet décisif, mais pas fondateur
La conférence de Yalta, qui se tient du 4 au 11 février 1945, s’inscrit dans une série de rencontres entre les Alliés. Contrairement à une croyance répandue, ce sommet n’a pas marqué un tournant soudain dans la répartition des zones d’influence. Dès 1943, à Téhéran, des discussions sur le futur de l’Europe étaient déjà bien avancées. En octobre 1944, Churchill et Staline avaient même esquissé un premier partage des sphères d’influence en Europe de l’Est lors d’une rencontre à Moscou.
Un contexte militaire à l’avantage de Staline
En ce début d’année 1945, le rapport de force est en faveur de l’Union soviétique. L’Armée rouge est à 80 kilomètres de Berlin, tandis que les forces américaines et britanniques sont retardées par l’offensive allemande dans les Ardennes. Staline impose Yalta comme lieu de réunion, s’assurant un avantage logistique et une surveillance accrue des discussions.

Les décisions clés de Yalta
Trois grandes questions sont abordées lors du sommet :
- L’organisation des Nations unies : Les Alliés se mettent d’accord sur la création de l’ONU, dont la conférence inaugurale se tiendra à San Francisco en avril 1945.
- La guerre contre le Japon : Staline promet d’engager l’URSS contre le Japon dans les trois mois suivant la capitulation allemande, en échange de territoires stratégiques en Asie.
- L’Europe de l’après-guerre : L’Allemagne sera divisée en quatre zones d’occupation (une pour la France, malgré l’absence de De Gaulle à la table des négociations). Concernant la Pologne, les Soviétiques imposent leurs vues, intégrant les communistes du Comité de Lublin dans le gouvernement polonais et fixant la frontière orientale à la ligne Curzon.
Un partage déjà acté avant Yalta
L’idée d’un partage du monde à Yalta est en réalité une exagération. Dès 1943, Roosevelt et Churchill avaient reconnu le fait accompli : l’URSS conserverait les territoires annexés en 1939-1940, et son influence en Europe centrale serait une réalité dictée par la présence militaire soviétique. L’accord de Moscou de 1944 avait déjà tracé les grandes lignes du futur équilibre des puissances.
Un rideau de fer en formation
Si Yalta a entériné certaines décisions, c’est à Potsdam, en juillet 1945, que les zones d’occupation en Allemagne et le sort des territoires d’Europe centrale sont définitivement scellés. Deux mois plus tard, Berlin tombe aux mains des Soviétiques, et les communistes prennent progressivement le pouvoir dans les pays libérés par l’Armée rouge. L’idée d’élections libres, pourtant proclamée à Yalta, sera vite oubliée.
Une légende née de la Guerre froide
Pourquoi alors cette idée persistante d’un partage du monde à Yalta ? Exclu des négociations, De Gaulle y voit un argument politique pour dénoncer la marginalisation de la France. De leur côté, les exilés des pays de l’Est popularisent cette version, transformant Yalta en symbole de la trahison de l’Occident. L’expression « l’esprit de Yalta » devient un raccourci utilisé pour dénoncer l’influence soviétique sur l’Europe de l’Est.
Conclusion
Yalta n’a pas « partagé » le monde : il a confirmé une réalité déjà en marche. La puissance militaire de l’URSS a dicté l’avenir de l’Europe orientale, bien avant que Churchill, Roosevelt et Staline ne se rencontrent en Crimée. La conférence de 1945 n’a pas créé le rideau de fer, mais elle en a, en quelque sorte, posé les premières briques. Que pensez-vous de cette lecture de l’histoire ? Partagez votre avis en commentaire !