Votre feuilleton, offert par Titan-Informatique, spécialiste en dépannage et solutions.
Chapitre 1 – L’Attente
Chapitre 2 – Le Retour à la Basse Ville
Chapitre 3 – Ce que dissimule le sol
Chapitre 4 – L’ombre ne meurt jamais
Chapitre 5 – Le feu de La Garde
Chapitre 6 – Trois types biens
Chapitre 7 – Déconstructions
Chapitre 8 — L’envers du décor
Chapitre 9 — Les eaux troubles de Saint-Mandrier
Le bâtiment était massif, sobre, austère. Un rectangle de béton blanc cassé surplombé de caméras et hérissé de capteurs. Sur la façade, aucune enseigne. Juste un petit drapeau tricolore et une plaque discrète : Préfecture Maritime de la Méditerranée – Toulon. Delphine passa le portique en silence, après avoir montré sa carte d’identité et vidé le contenu de son sac dans un bac en plastique gris.
— Vous avez rendez-vous avec le capitaine Oriol ? demanda un officier en uniforme de la Marine, regard dur, accent corse.
— On m’a demandé de venir. On m’attend, répondit-elle, plus sûre d’elle qu’elle ne l’était réellement.
Un badge provisoire autour du cou, elle fut escortée à travers une série de couloirs à l’éclairage blafard. Tout ici transpirait la discipline et le secret. Les couloirs étaient vides, les portes fermées, les regards rares. À la fin du trajet, un sas blindé. Deux militaires armés. Une porte s’ouvrit automatiquement avec un clac sec.
— Entrez.
La pièce dans laquelle elle pénétra ressemblait à une salle d’interrogatoire haut de gamme. Une grande table, quatre chaises, un miroir sans tain, et une ventilation qui ronronnait doucement. Aucun téléphone. Aucun ordinateur apparent.
Le capitaine Oriol, anciennement Ryan le SDF du tabac, portait maintenant l’uniforme impeccable d’un officier supérieur de la Marine nationale. Épaules larges, regard noir, barbe de trois jours contrôlée au millimètre. Il lui désigna une chaise.
— Asseyez-vous, mademoiselle Rey. Ce que je vais vous dire va vous sembler invraisemblable. Et pourtant, tout est documenté.
Delphine s’exécuta, sans mot dire. Elle remarqua les cicatrices sur ses mains. Des mains qui avaient connu autre chose que l’administration.
— Vous connaissez un certain Mathieu Chamber. C’est votre… compagnon. Enfin, disons que vous avez partagé un appartement, une intimité, avec lui. N’est-ce pas ?
Elle hocha la tête, muette.
Oriol se pencha légèrement, verrouillant son regard dans le sien.
Il posa un dossier beige sur la table. L’étiquette manuscrite en haut indiquait simplement : Chamber, Mathieu – Confidentiel Défense.
— Ce que je vais vous dire est classé. Si vous en parlez en dehors de cette pièce, vous risquez jusqu’à cinq ans de prison. Mais vous êtes impliquée, alors autant que vous sachiez.
Delphine hocha la tête, la gorge nouée.
— Mathieu Chamber est un Officier spécialisé, affecté aux systèmes de guerre électronique. Il a servi sur plusieurs bâtiments de la flotte Française. Sa fiche de service est exemplaire, en apparence. Mais voilà : nous avons des raisons de croire qu’il trahit sa patrie.
Un silence.
Delphine écarquilla les yeux. Tout son corps se figea.
— Un traître ? Mathieu ?
Oriol ne cilla pas.
— Il a été repéré en train de transmettre des informations classifiées. Des protocoles, des profils d’intervention, des noms. Rien de vital, pour l’instant, mais suffisamment sensible pour que nous déclenchions une enquête.
Il ouvrit le dossier et glissa vers elle une photo imprimée. Mathieu — son Mathieu — accoudé à une table dans un café de Bastia. En face de lui, un homme inconnu. L’échange semblait anodin, mais deux agents étaient présents ce jour-là, à une table voisine.
— Le type en face est un ancien militaire, radié pour radicalisation. Il travaille aujourd’hui comme “consultant sécurité” pour une société écran, avec des liens… ambigus.
— Mais pourquoi ? souffla Delphine.
— L’argent. L’idéologie. La revanche. Ou juste parce qu’il le peut. On ne sait pas encore. Ce genre de profil est toujours complexe.
Il marqua une pause et lui montra une autre photo. Elle y reconnut Mathieu dans un salon privé d’un restaurant chic, en compagnie d’une femme plus âgée.
— Voici Madame Dussault. Épouse du vice-amiral Dussault. Elle n’est au courant de rien. Elle croit que cet homme est juste une aventure.
— Ce n’est pas tout. Il a également promis le mariage à une commandante en charge du CIRFA de La Rochelle, un organisme chargé du recrutement. Là encore, pour obtenir des accès.
Oriol referma le dossier, puis se redressa.
— Nous ne pouvons pas encore l’arrêter. Nous avons besoin de preuves supplémentaires. Et surtout, de comprendre pourquoi maintenant. Pourquoi cette accélération.
Delphine leva enfin les yeux vers lui, la voix tremblante.
— Et moi ? Qu’est-ce que je suis dans cette histoire ? Une couverture ? Une conne utile ?
— Non, dit-il doucement. Vous êtes une faille. Une erreur de calcul. Vous étiez censée être docile. Effacée. Et vous avez posé des questions.
Il laissa planer un silence avant d’ajouter :
— On a besoin de vous, Delphine.
Elle recula sa chaise d’un coup sec.
— Je ne suis pas une espionne.
— Pas besoin de l’être. Juste d’être à la bonne place… au bon moment.
Elle se leva. Il ne la retint pas. Juste un dernier regard, froid comme l’acier.
— Le monde dans lequel vous entrez ne pardonne pas l’ignorance. Vous avez le choix : l’ignorer ou l’affronter.
Delphine sortit de la pièce, abasourdie, vidée.
Dans les couloirs trop blancs de la préfecture maritime, elle se rendit compte qu’elle ne savait plus qui elle était. Juste qu’elle n’était plus celle qu’elle croyait être la veille encore.
Delphine venait à peine de passer la double porte blindée de la salle d’interrogatoire que la voix grave et posée du capitaine Oriol l’arrêta net.
— Mademoiselle Rey…
Elle se retourna. Il se tenait là, droit, les mains dans le dos, le visage fermé, mais avec cette étrange lueur d’humanité dans les yeux. Une lueur qu’elle n’avait pas encore su déchiffrer.
— Vous méritez de comprendre pourquoi votre appartement nous intéresse. Et, accessoirement, d’avoir quelques réponses aux questions que vous n’osez pas poser.
Elle hésita. Mais il lui avait dit la vérité sur Mathieu. Et ce qu’elle avait vu dans cette salle de commandement… ça ne ressemblait en rien à un jeu.
— D’accord, souffla-t-elle.
Mais au lieu de la raccompagner vers la sortie, il bifurqua vers une porte dérobée, juste derrière la salle d’interrogatoire. Un escalier s’enfonçait dans les entrailles du bâtiment.
— Ce n’est pas la sortie, fit remarquer Delphine.
Oriol eut un demi-sourire.
— Non. Mais c’est la suite.
L’escalier descendait profondément, sous la roche. L’air devenait plus frais, plus dense. À leur arrivée, la lumière s’alluma automatiquement, révélant une immense salle voûtée tapissée d’écrans, de pupitres de contrôle et de consoles de surveillance. Un silence pesant régnait, seulement brisé par le bourdonnement de l’électronique en veille.
— Voici l’un des postes de commandement principaux de la Marine nationale pour la zone Méditerranée, déclara Oriol, la voix grave résonnant dans l’espace.
Delphine resta muette. Elle ne s’attendait pas à ça.
— Cette salle n’aurait jamais dû vous être montrée. Mais les agissements de votre compagnon, ou plutôt de l’homme que vous croyiez connaître, ont changé la donne. Il a compromis une partie de nos systèmes. On a dû revoir entièrement nos protocoles. Sans quoi, je ne serais pas ici avec vous.
Elle se retourna vers lui, les yeux assombris par l’incompréhension.
— Et mon appartement, là-dedans ? Qu’est-ce que ça a à voir avec tout ça ? Et cette histoire de double vie, de bigamie… pourquoi tout ce cirque ?
Le capitaine Oriol pinça les lèvres, puis se permit une parenthèse d’humour noir :
— Pour qu’un marin soit bigame, il faut au moins deux femmes par port. C’est la règle. Ou le mythe. Dans le renseignement, il faut savoir relativiser… et reconnaître qu’il y a des blagues qu’on place rarement au bon moment.
Il s’éclaircit la gorge, gêné par sa propre tentative de dérision, puis ajouta plus sérieusement :
— Ce que je peux vous dire, c’est que votre appartement donne sur une zone très particulière. Mais les raisons précises relèvent du secret-défense. Ce que vous devez comprendre, c’est que tout ce que Chamber a fait était calculé. Même votre rencontre.
Il marcha jusqu’au fond de la salle, où une autre porte blindée les attendait. Il l’ouvrit à l’aide d’un badge magnétique, puis d’une empreinte palmaire.
Derrière, un long couloir. Parfaitement propre. Éclairé de néons réguliers. On aurait pu croire à un couloir de métro en heure creuse. Sauf qu’ici, il n’y avait personne. Pas un bruit. Pas un souffle.
— Ce couloir relie la préfecture maritime à une autre structure, poursuivit Oriol. En cas de conflit ou de sabotage, il garantit une continuité de commandement. Un double système. Une ligne de repli.
— Et ce passage mène… à chez moi ? murmura Delphine.
Il ne répondit pas. Mais à la fin du tunnel, il ouvrit sans effort une nouvelle porte blindée. Et là, elle reconnut. Les carreaux gris, l’odeur d’humidité, le frigo rouillé… et le tunnel. Celui où elle avait fui. Celui où elle avait cru devenir folle.
— On y est, dit-il calmement.
Delphine se retourna vers lui, les sourcils froncés.
— C’était vous… dans le tunnel ?
Oriol acquiesça.
— Oui. J’emprunte souvent ce passage pour entrer ou sortir discrètement. Et j’ai paniqué quand j’ai vu que vous y étiez. Je n’aurais jamais dû vous suivre comme ça, je le reconnais. Je suis désolé si je vous ai fait peur.
Elle le fixa longuement.
— Et les yeux… les yeux verts dans le noir ?
Oriol eut un rictus presque honteux.
— Mes lunettes de vision nocturne. Mal réglées. Un ancien modèle. Elles laissent filtrer un peu de lumière dans l’autre sens. Une faille technique qu’on est censé corriger… mais à force d’habitude, on oublie.
Delphine se tut. Tout se remettait lentement en place. Les bribes, les fuites, les silences de Mathieu… et ce regard qu’il avait parfois, quand il croyait qu’elle ne le voyait pas. Ce regard vide. Froid.
Oriol posa doucement une main sur la porte en métal.
— Maintenant, vous savez pourquoi on vous surveille. Et pourquoi vous êtes devenue un point d’intérêt.
— Mais je suis qui, moi ? demanda-t-elle soudain. Une vendeuse. Une femme parmi des milliers.
Oriol répondit sans la regarder :
— Vous êtes la mauvaise personne… au bon endroit.
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