Réalisé en 2024 par Kevin Costner, figure emblématique du western des années 1990, Horizon : une saga américaine ambitionne de rénover un genre longtemps considéré comme dépassé. Alors que la deuxième partie est déjà sortie aux États-Unis, aucune date n’est annoncée pour l’Europe. Le film, bien qu’acclamé par une partie du public, n’a pas rencontré le succès escompté au box-office américain, sans doute en raison d’un genre aujourd’hui marginalisé. Pourtant, Horizon mérite d’être vu, ne serait-ce que pour sa tentative audacieuse de redéfinir les codes du western.

Un western à l’ère du binge-watching
Traditionnellement longs et contemplatifs, les westerns classiques, comme Le Bon, la Brute et le Truand, pouvaient sembler lents au regard des attentes actuelles. Aujourd’hui, le public est habitué aux séries dynamiques, où chaque épisode comporte une tension, une résolution, et surtout un cliffhanger efficace.
Kevin Costner, passionné de longue date par l’univers du western, a choisi de se faire plaisir pour ce qu’il présente comme son dernier grand projet. Plutôt qu’une série, il a opté pour une saga cinématographique. Ce choix se ressent dans la structure du film, qui se termine de manière abrupte, laissant le spectateur sur sa faim – mais avec une réelle envie de découvrir la suite. On peut voir là une frustration… ou le plaisir coupable du futur binge-watching.
Malgré sa durée (plus de trois heures), le film ne lasse jamais. Les plans sur les paysages emblématiques de l’Ouest américain, bien qu’encore présents, sont plus brefs. La narration entrelacée de multiples intrigues et personnages rappelle la structure des séries modernes, rythmée et immersive.

Une galerie de personnages modernes
Cette richesse narrative permet aussi une meilleure représentation des archétypes contemporains : la mère célibataire déterminée, le mari violent, l’enfant débrouillard, le héros solitaire, la veuve silencieuse… Tous ces personnages donnent chair à des problématiques bien plus proches de nos préoccupations modernes que les figures figées du western classique.
Le parallèle avec la série Yellowstone, dans laquelle Costner joue également, est évident : diversité des personnages, conflits d’intérêts, dilemmes moraux, tensions sociales… tout y est. Costner semble porter un regard lucide et humain sur ses personnages.
La multitude de rôles facilite aussi l’identification. Comme l’explique le psychologue américain Jonathan Haidt :
« Nous ne nous identifions pas seulement aux héros ; nous nous construisons aussi en opposition aux personnages que nous rejetons. »
Autrement dit, le spectateur se rapproche tantôt d’un personnage, tantôt en repousse un autre. Cette dynamique rend le visionnage plus intime, plus réflexif.

Une relecture éthique du mythe américain
Mais c’est sans doute dans son traitement des peuples autochtones que le film surprend le plus. Longtemps, le western a véhiculé un mythe fondateur justifiant la conquête et la violence coloniale. Les « Indiens » y étaient souvent caricaturés, réduits à des antagonistes anonymes.
Costner, déjà engagé sur ces questions depuis Danse avec les loups, poursuit ici sa démarche de réhabilitation. Le réalisateur c’était déjà exprimé sur le sujet dans le journal The Hollywood Reporter : « J’ai toujours pensé que le western avait raté l’occasion de montrer les Amérindiens tels qu’ils étaient vraiment. J’essaie de réparer ça. ». Le manichéisme cède la place à une complexité salutaire. Les personnages amérindiens ne sont plus des figurants, mais des protagonistes à part entière, avec leurs conflits internes, leurs blessures et leur dignité.

Dans cette perspective, Horizon ne rejoue pas l’histoire : il la revisite. Il ne cherche pas à pointer du doigt, mais à rétablir un équilibre. À l’heure où de nombreux récits cherchent à déconstruire les mythes nationaux, le film de Costner s’inscrit dans une dynamique de réconciliation par l’art.
Un souffle nouveau sur la poussière du western
Sans renier les grands codes du western (le cheval, le désert, les revolvers), Kevin Costner y insuffle un vent de modernité. Le format sériel, la richesse des personnages et la vision plus juste du conflit américain permettent à cette saga de redonner de la profondeur à un genre que l’on croyait relégué au passé.
À travers cette œuvre, Costner semble nous dire que l’héroïsme ne dépend ni d’une époque ni d’un costume. Il est question de valeurs humaines universelles : la loyauté, la justice, la ténacité. Finalement, ce n’est pas le monde qui fait les héros, c’est ce qu’ils décident d’y faire.
Un message simple, mais puissant. Et peut-être la vraie vocation du western moderne.
A propos de Horizon, une saga Américaine :
Disponible en prêt à la médiathèque Chalucet, Port-Marchant et Pont-Du-Las.