Le Coq Sportif, fleuron tricolore du sport et de l’industrie textile, joue son avenir en mai 2025. Placée en redressement judiciaire depuis novembre 2024, l’entreprise centenaire, endettée à hauteur de 70 millions d’euros, fait face à deux projets de reprise aux stratégies opposées. L’un promet une relance industrielle locale, l’autre s’oriente vers une internationalisation via les licences. Derrière ce duel économique, un enjeu : maintenir un savoir-faire local ou céder à la rentabilité globale.
Une marque historique secouée par les choix stratégiques
Fondée en 1882 à Romilly-sur-Seine, Le Coq Sportif a longtemps incarné le textile français de qualité. Après un déclin dans les années 1980, la marque avait amorcé un retour en grâce dès 2010. Grâce à son engagement dans le Tour de France, la Fédération française de rugby ou encore les Jeux olympiques de Paris 2024, elle avait su regagner en notoriété.
Mais la façade masquait des failles. En 2023, un repositionnement sur le segment premium a entraîné une baisse volontaire de la production. Objectif : valoriser les marges. Résultat : -30 % de chiffre d’affaires. Parallèlement, la commande olympique massive a saturé l’usine de Romilly. Enfin, des litiges avec la Fédération française de rugby et des retards de paiements fournisseurs ont alourdi un endettement déjà préoccupant.
Deux repreneurs, deux ambitions divergentes
Le projet industriel soutenu par l’État
Premier sur les rangs, un consortium piloté par Xavier Niel propose une reprise axée sur la relocalisation partielle de la production. Il prévoit :
- Un apport immédiat de 60 millions d’euros pour rembourser les créances urgentes ;
- Le maintien de l’usine de Romilly-sur-Seine et de ses 147 emplois ;
- Un plan de redressement étalé jusqu’en 2028.
Soutenu par Bercy et la région Grand Est, ce plan mise sur une montée en gamme raisonnée et la valorisation du « made in France ». Il nécessite cependant que les créanciers privés acceptent une réduction de dette pouvant aller jusqu’à 70 %.
Le plan financier à vocation mondiale
Face à lui, un fonds d’investissement étranger propose une solution plus radicale. Sa stratégie repose sur :
- La vente de licences d’exploitation en Asie et Amérique du Nord ;
- La fermeture partielle du site français ;
- Une externalisation accrue vers le Portugal ;
- Une entrée en Bourse en 2027.
Ce projet offre un retour rapide sur investissement, mais soulève des inquiétudes sur la pérennité des emplois français et la dilution de l’identité de la marque.
Le rôle-clé des pouvoirs publics
La région Grand Est en soutien
Déjà engagée à hauteur de 2,65 millions d’euros en 2021, la région a effacé la moitié de sa créance lors d’un vote en mars 2025. Elle plaide pour le maintien de l’usine et de l’activité dans l’Aube, territoire sinistré par les délocalisations des années 1990. Elle a aussi proposé un étalement du reste de la dette sur dix ans à taux fixe.
L’État arbitre sous tension
Avec 8 millions d’euros en jeu, l’État hésite. Le projet Niel correspond aux objectifs de relocalisation industrielle voulus par le gouvernement. Mais les risques liés au passif social et aux litiges juridiques freinent l’engagement. Une garantie publique à hauteur de 40 % des prêts bancaires est envisagée. La décision sera rendue par le tribunal de commerce de Paris à la fin du mois.
Scénarios d’avenir : relance ou naufrage ?
Une relance progressive et ciblée
Si le plan industriel est validé, la production pourrait redémarrer dès 2026. Objectif : 500 000 pièces par an, dont 30 % produites en France. Des partenariats avec la Fédération d’athlétisme sont déjà à l’étude. La marque espère capitaliser sur l’image post-Olympique pour reconquérir le marché européen.
Une liquidation aux effets en cascade
En cas d’échec des négociations, le risque est celui d’un démantèlement. Les actifs seraient vendus séparément. Les emplois supprimés. Et l’image du savoir-faire français durablement écornée. Dans un contexte où 62 % des PME textiles sont surendettées, selon l’INSEE, ce scénario fragiliserait encore davantage un secteur en crise.
Une crise qui interroge le modèle économique
La crise du Coq Sportif illustre les limites d’une stratégie trop dépendante des effets d’image, de la commande publique et des grands événements. Elle pose aussi la question de la pertinence d’une aide d’État ciblée dans un secteur structurellement affaibli. Les choix faits dans les prochaines semaines auront un impact direct sur la stratégie industrielle française pour les années à venir.
Entre survie locale et ambition mondiale, le sort du Coq Sportif est révélateur d’un dilemme plus large : comment concilier rentabilité économique et préservation du tissu industriel ? La réponse apportée en mai 2025 dira si la France choisit de défendre ses racines industrielles ou de céder aux logiques globalisées.
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