La consommation d’alcool chute, les spiritueux trinquent
La filière française des spiritueux traverse une tempête. En 2024, la consommation a reculé de 2,6 % en volume, dans le prolongement d’une tendance entamée depuis les années 1980. En 40 ans, les volumes ont chuté de moitié, reflet d’un virage sociétal vers des pratiques plus responsables, notamment chez les jeunes adultes.
En grande distribution, les ventes en volume baissent pour la quatrième année consécutive, avec 247 millions de litres écoulés (-3,8 %). Même la valeur chute pour la première fois depuis 2018, à 4,9 milliards d’euros (-3,6 %). Si les whiskies et anisés sont particulièrement affectés, les alcools blancs et les liqueurs résistent mieux, portés par une mixologie accessible.
Le segment CHR n’est pas épargné
Dans les cafés, hôtels et restaurants, la tendance est similaire : -2 % en volume. Les fortes pluies et un ensoleillement en baisse de 8 % ont réduit la fréquentation des terrasses. Seule exception : le Spritz, en forte progression de +32 % sur un an, grâce à sa popularité croissante chez les urbains.
À l’export, l’étau se resserre
Les exportations, qui pèsent 50 % de la valeur de la filière, plongent de 6 % en 2024. En Chine, l’enquête antidumping et la menace de droits de douane de +35 % ont provoqué une chute de 30 % des exportations. Aux États-Unis, l’incertitude politique liée au retour de Donald Trump freine également les expéditions.
Le Cognac, produit phare du secteur, perd 10,9 % en valeur, suivi par le rhum (-3,8 %) et les liqueurs (-2,3 %). L’année 2025 démarre mal : sur les quatre premiers mois, les expéditions chutent encore de 7,4 %.
Une filière stratégique fragilisée
Le secteur représente 17 milliards d’euros de PIB et soutient 150 000 emplois, principalement en zones rurales. Mais selon la Fédération Française des Spiritueux, 95 % des entreprises sont des TPE et PME, prises en étau entre sur-réglementation, sur-contrôle et hausse des coûts de mise en conformité.
Jean-Pierre Cointreau, président de la Maison des Vins et Spiritueux, dénonce un cadre administratif étouffant. Gabriel Picard, de la Fédération des Exportateurs, alerte sur les divergences réglementaires au sein de l’Union européenne, qui compliquent l’étiquetage et la publicité. Une étiquette numérique européenne, comme dans le vin, pourrait devenir une piste viable.
Une hausse des taxes serait un coup fatal
Guillaume Girard-Reydet, président de la FFS, lance une mise en garde claire : « 72 % du prix d’un spiritueux est constitué de taxes. Une hausse mettrait à terre l’ensemble de la filière. » Il cite le cas britannique, où une hausse de 10,1 % des droits a provoqué une baisse de recettes fiscales de 1,3 milliard de livres.
Une mobilisation politique urgente attendue
La survie de la filière passe par des choix politiques déterminants. Sans soutien sur le marché intérieur, les ambitions à l’export s’effondrent. Les acteurs demandent stabilité fiscale, simplification administrative et reconnaissance du rôle stratégique de la filière.
Les spiritueux français sont à un tournant. Entre décroissance intérieure, chute des exportations et incertitudes politiques, la filière appelle à une réponse urgente de l’État. Sans action rapide, c’est un pan entier du patrimoine agroalimentaire et économique qui vacillera. Source
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