Votre feuilleton, offert par Titan-Informatique, spécialiste en dépannage et solutions.
Chapitre 1 : L’Attente
Chapitre 2 : Le Retour à la Basse Ville
Chapitre 3 – Ce que dissimule le sol
Chapitre 4 – L’ombre ne meurt jamais
Barbara s’était fondue dans l’univers du tabac-presse avec une aisance presque suspecte. En une semaine, elle avait gagné la confiance de Delphine, affichant ce mélange savant de professionnalisme et de malice qui la rendait immédiatement sympathique. Souriante avec les clients, vive à la caisse, elle n’hésitait pas à faire de petits clins d’œil complices aux habitués. Delphine, naturellement méfiante avec les nouvelles venues, avait pourtant baissé la garde. Peut-être parce que Barbara connaissait déjà Monsieur Louis, le patron.
Ils avaient bossé ensemble, à une autre époque, quand Louis tenait le tabac du Grand Var, à La Garde. Un commerce désormais fermé, mais qui, selon les rumeurs, n’avait pas toujours vendu que des cigarettes et des journaux.
Durant cette première semaine, Delphine s’était appliquée à présenter les différents types de clientèle à Barbara. Il y avait les touristes paumés, attirés par le Cours Lafayette comme des papillons par la lumière, les fidèles du quartier, les éclopés du quotidien… et les SDF, parmi lesquels une figure se détachait nettement : Ryan. Ancien légionnaire d’origine kosovare, presque deux mètres de chair et d’acier. On l’appelait Peuchère, une moquerie affectueuse, parce que lors des descentes de police, il était toujours le premier à être fouillé, contrôlé, souvent embarqué. Sa carrure suffisait à faire de lui un coupable par défaut.
Mais c’est Lucas qui fit vaciller la confiance de Delphine. Il était venu donner des nouvelles de Mathieu. Barbara s’était métamorphosée. Trop ouverte. Trop complice. Trop… disponible. Elle lui avait répété qu’elle sortait tous les vendredis à BDM boire une bière avec ses copines. Delphine, elle, avait vu ça d’un œil désapprobateur. Pas par jalousie. Mais parce que Barbara, elle, avait une fille. Une petite. Et ce genre de manège, aux yeux de Delphine, n’avait rien à faire dans un lieu de travail. Mais après tout, ils étaient tous majeurs, vaccinés, et la vie privée restait la leur.
Ce vendredi-là, justement, Delphine comptait profiter de la présence de Barbara pour quitter plus tôt. Lire quelques pages de son roman à la lumière naturelle, chose rare. Avant de partir, elle échangea quelques mots avec Monsieur Louis.
— Vous avez des infos sur les travaux de l’immeuble ?
— Oui, répondit-il en ajustant ses lunettes. Le notaire m’a confirmé que la société qui détient l’appartement du bas a enfin validé le constructeur. Démolition et reconstruction. Mais pas avant un an. Vous avez le temps.
— Parfait. Avec Mathieu, on pense acheter à Solliès-Pont. Ou La Crau. On verra.
Delphine enfila sa veste, jeta un dernier regard à la boutique, puis sortit.
Elle traversa la place, gravit les quelques marches de son immeuble. Ce fut en franchissant le seuil du hall qu’elle sentit que quelque chose clochait. Un détail minuscule. Le genre de chose que seuls les esprits attentifs perçoivent.
La porte de l’appartement du rez-de-chaussée était entrebâillée.
Pas grand-chose. Deux centimètres, peut-être. Mais suffisamment pour déclencher une alarme intérieure. Ce logement… n’était pas vide. Officiellement, il était habité. Mais Delphine n’avait jamais vu la personne qui y vivait. Jamais un regard, jamais une silhouette dans l’embrasure. Juste des bruits, parfois. La nuit. Des grincements, des chuchotements. Comme si quelque chose rampait sous le sol.
Et maintenant, la porte était ouverte.
Poussée par un mélange d’inquiétude et de curiosité, Delphine s’approcha. La porte grinça légèrement. Une odeur flottait dans l’air — pas de moisissure, ni de renfermé. Quelque chose de plus… clinique. Froid. Maîtrisé.
La pièce d’entrée était étrange. Étonnamment propre. Comme si quelqu’un venait y faire le ménage, régulièrement. Les murs étaient nus, peints d’un blanc sale. Il n’y avait qu’un seul meuble : un vieux frigo, massif, posé là comme un animal endormi, appuyé contre un pan de mur. Mais ce qui attira le regard de Delphine, c’était la porte. Ou plutôt… la porte blindée. Discrète, sans poignée visible, incrustée dans la cloison opposée, avec ce genre de joint étanche qu’on retrouve dans les bunkers ou les laboratoires.
Pourquoi une porte blindée dans un appartement ?
Elle alluma la torche de son téléphone, inspecta les murs, le sol. Et puis, elle le vit. Le frigo ne semblait pas simplement posé là. Il était encastré. Camouflait quelque chose. Elle s’approcha, sentit un courant d’air froid émaner de l’espace derrière. Elle posa les mains sur les bords, poussa.
Un grincement sourd.
Le frigo glissa lentement.
Derrière lui, une ouverture. Un passage.
Le couloir partait en fourche : à gauche, un conduit bétonné, froid et rectiligne ; à droite, une galerie visiblement creusée récemment, terre encore fraîche, irrégulière.
Puis, un bruit.
La porte blindée derrière elle trembla.
Quelqu’un tentait de l’ouvrir.
Panique. Battements de cœur. Transpiration glacée.
Delphine se faufila derrière le frigo. Se plaqua contre la paroi. Respira par la bouche. Le tunnel de gauche s’illumina soudain, un halo électrique, clinique. Elle était prise au piège. Son téléphone en avant, elle se jeta dans le tunnel de droite, priant pour que le sol tienne, que ce ne soit pas un puits. La porte claqua violemment derrière elle. Puis un grognement. Inhumain. Glacial. Le frigo vola dans la pièce, arraché comme une feuille morte.
Une ombre massive apparut à l’entrée du tunnel. Deux yeux verts, phosphorescents, la fixaient.
Elle courut.
Tomba.
Se releva.
Courut encore.
Sans réfléchir. Sans respirer.
Le tunnel descendait. L’eau gouttait du plafond. Le sol était glissant. Sa robe se trempa jusqu’aux genoux. Derrière elle, les bruits avaient cessé. Ou peut-être qu’ils s’étaient rapprochés, trop proches pour qu’elle les distingue encore. Elle n’osait pas se retourner.
Vingt minutes.
C’est le temps qu’elle mit avant de heurter un mur.
Son téléphone clignota une dernière fois, puis s’éteignit.
Le noir. Le silence. Et au loin… deux points verts. Immobiles.
Mais alors que le désespoir la gagnait, son regard s’arrêta sur un détail : un filet de lumière. Une faille. Une découpe géométrique dans la paroi.
Elle poussa.
Un panneau céda.
Elle s’effondra dans une vaste pièce blanche, éclairée par des néons industriels. Des murs propres, sans poussière. Une porte verte au fond. Un hublot. Et derrière… le bruit de voitures.
Elle courut, ouvrit.
Le vacarme l’engloutit.
Elle était sur un trottoir. Étroit. Celui du tunnel de Toulon. Les voitures passaient sans la voir.
Elle se retourna.
Une ombre était là. Figée. Hésitante.
Puis elle disparut.
Et Delphine sut.
Elle n’était pas censée être là. Pas censée avoir vu ça.
Mais elle avait survécu.
Chapitre 1 : L’Attente
Chapitre 2 : Le Retour à la Basse Ville
Chapitre 3 – Ce que dissimule le sol
Chapitre 4 – L’ombre ne meurt jamais