Le cercle des poètes disparus: Quand la littérature boulverse les destins

Mr. Keating et ses élèves dans Le cercle des poètes disparus.
Le cercle des poètes disparus, Peter Weir (1989)

Sorti en 1989, Le Cercle des poètes disparus de Peter Weir raconte, à l’instar de Sing Sing, comment l’art transforme profondément les individus. Cette fois, ce sont la littérature et le théâtre qui jouent un rôle clé dans l’épanouissement des personnages.

L’histoire suit Todd, un jeune étudiant introverti qui intègre une prestigieuse académie du Vermont à la fin des années 50. Grâce à son professeur de littérature, Mr. Keating, il découvre une passion pour la poésie. Avec ses camarades, il décide de défier l’ordre établi, se heurtant aux attentes strictes de leurs familles et aux normes rigides de la société américaine de l’époque.

La littérature, entre tradition et transmission

Todd comme acteur dans Songe d'une nuit d'été
Les élèves de Mr. Keating se réapproprient les classiques de la littérature

Peter Weir met en lumière trois dimensions essentielles de la littérature. La première est son rôle de transmission. Depuis les premières peintures rupestres, l’écriture fixe des souvenirs et des événements, traversant les âges comme un héritage culturel.

Bien que non conformiste, Mr. Keating ne renie pas cette tradition en enseignant Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare. Neil, l’élève qui obtient le rôle principal, se confronte à un héritage familial conservateur qui méprise le théâtre, rappelant ainsi le rejet historique des comédiens dans de nombreuses sociétés. Comme Hamlet, il se heurte à la fameuse question : « Être ou ne pas être ? ». Son dilemme est différent, mais tout aussi tragique : suivre sa passion ou se conformer aux attentes familiales.

Le choix de Mr. Keating d’étudier des classiques prend alors tout son sens : ses élèves s’inscrivent eux aussi dans les grands questionnements de la littérature. En ancrant son intrigue dans cette tradition littéraire, Weir souligne combien les œuvres du passé influencent le présent, tant dans leur étude que dans leur réinterprétation. Mais cette tradition n’est pas un carcan : Mr. Keating pousse ses élèves à se l’approprier, en faire une source d’inspiration et d’émancipation.

La littérature comme quête de soi

Mr. Keating, un professeur atypique
Se libérer des normes pour exister

Si la littérature est un héritage, elle est aussi un outil d’exploration personnelle. Todd, d’abord effacé, trouve peu à peu sa voix en s’immergeant dans les textes. Il se découvre à travers les mots, s’affirme et rallie ses camarades à cette passion. Son parcours fait écho à celui de Mr. Keating, qui fut lui-même un élève réservé avant de revenir dans son ancien établissement pour transmettre ce qui l’a aidé à s’émanciper.

Mr. Keating a conscience du pouvoir qu’il exerce en tant que mentor. Todd lui rend hommage avec une citation de Walt Whitman (l’autre W.W. de Breaking Bad !) : « Ô Capitaine ! Mon Capitaine ! ».

L’adolescence étant une période charnière, la littérature devient un refuge et un guide. Nous avons tous connu cette expérience d’un livre dans lequel nous nous sommes reconnus, qui nous a aidés à mieux nous comprendre, voire à nous pardonner. C’est la force des chefs-d’œuvre littéraires : une portée universelle doublée d’une résonance intime.

La littérature, un acte de rébellion

Les élèves de Mr. Keating affrontent la société conservatrice
Les élèves de Mr. Keating se rebellent face à une société conservatrice

En plus d’aider à se construire, la littérature interroge et bouscule le monde. Sartre affirmait que nous sommes complices de la société en y participant, mais les romans nous placent du côté du protagoniste. Dès lors que nous nous identifions à lui, ses luttes contre les injustices (comme dans Madame Bovary ou Antigone) deviennent aussi les nôtres.

La littérature ne se contente pas de raconter des histoires : elle donne une voix à ceux qui en sont privés. Comme le disait Virginia Woolf : « Une femme doit avoir de l’argent et une chambre à soi si elle veut écrire de la fiction. » Empêchée d’accéder à une bibliothèque universitaire en raison de son genre, elle transforme cette injustice en une revendication puissante pour l’indépendance intellectuelle féminine.

C’est précisément cet esprit que Mr. Keating veut insuffler à ses élèves, les encourageant à penser librement dans un cadre rigide. L’un d’eux ira jusqu’à défier l’administration pour revendiquer l’ouverture de l’académie aux filles, preuve que les mots peuvent devenir des actes.

Mais la révolte ne triomphe pas toujours. Comme l’écrit Albert Camus dans L’Homme révolté, « Se révolter, c’est affirmer qu’il existe en soi quelque chose qui vaut la peine d’être défendu. » Pourtant, cette affirmation se heurte aux résistances du monde. Mr. Keating et ses élèves en font l’amère expérience : l’indignation ne suffit pas à briser les murs du conformisme, et certaines défaites, comme celle de Neil, rappellent que l’émancipation peut être entravée par des forces plus grandes que soi.

Un hommage vibrant à la littérature

Le Cercle des poètes disparus est une ode à la littérature sous toutes ses formes. Peter Weir illustre brillamment le pouvoir des mots : ils ne se contentent pas de raconter des histoires, ils façonnent ceux qui les lisent.

Mr. Keating incarne et transmet à ses élèves la philosophie de Nietzsche : « Deviens ce que tu es. » Et quel meilleur guide que la littérature pour y parvenir ?


A propos du Cercle des poètes disparus :

Disponible en prêt à la médiathèque Chalucet.


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