La Free Software Foundation (FSF) a annoncé ce mardi le lancement du projet LibrePhone, destiné à offrir une liberté totale aux utilisateurs de téléphones mobiles. L’initiative vise à supprimer les logiciels propriétaires qui limitent le contrôle des utilisateurs sur leurs appareils. Cette annonce marque une étape majeure dans la lutte pour la souveraineté numérique. Les premières mesures seront progressivement mises en œuvre sur les systèmes Android existants.
Depuis sa création en 1985, la FSF milite pour la liberté logicielle, défendant le droit des utilisateurs à étudier, modifier et partager les programmes informatiques qu’ils utilisent. Pendant quarante ans, cette liberté s’est surtout appliquée aux ordinateurs de bureau et serveurs. Avec l’explosion des smartphones comme principal outil informatique mondial, une nouvelle frontière s’est imposée. Les systèmes mobiles, souvent verrouillés par des logiciels propriétaires et des « blobs » binaires indécryptables, ont empêché les utilisateurs de bénéficier d’un contrôle total sur leurs appareils.
Malgré des projets précurseurs comme LineageOS ou Replicant, qui tentaient déjà de remplacer les composants propriétaires, les blocages techniques et les dépendances aux firmwares propriétaires ont longtemps limité les progrès. La complexité croissante des smartphones modernes, intégrant GPS, capteurs biométriques et systèmes de sécurité avancés, a retardé toute solution totalement libre.
Dans un communiqué officiel publié depuis Boston, la FSF a détaillé son initiative LibrePhone. L’objectif est de fermer les dernières lacunes entre les distributions Android existantes et le logiciel libre complet. Selon Zoë Kooyman, directrice exécutive de la FSF :
« Nous avons fondé la FSF il y a quarante ans pour garantir aux utilisateurs des ordinateurs de bureau la liberté de leurs systèmes. Aujourd’hui, cette mission s’étend aux smartphones, outils essentiels de la vie numérique quotidienne. »
Le projet sera dirigé par Rob Savoye, ingénieur expérimenté ayant travaillé sur DejaGNU, Gnash et OpenStreetMap. La première étape consistera à identifier les téléphones les plus compatibles avec des systèmes libres et à remplacer les modules propriétaires encore présents dans le firmware.
Pratiquement, le projet LibrePhone s’articule autour de plusieurs axes :
- Audit des packages existants : identifier les logiciels non libres dans les distributions comme LineageOS.
- Reverse engineering des composants propriétaires : remplacer les « blobs » binaires par des alternatives libres.
- Construction d’un OS Android totalement libre : garantir compatibilité et fonctionnalités complètes pour un téléphone moderne.
- Participation ouverte : les développeurs du monde entier pourront contribuer et tester les nouvelles versions.
John Gilmore, membre du conseil de la FSF et donateur principal du projet, explique :
« Plutôt que d’accepter la situation actuelle avec des modules propriétaires intégrés, nous avons décidé de collaborer pour les remplacer par des logiciels entièrement libres, au moins sur un téléphone moderne. »
Le financement initial permet de lancer le projet et de recruter l’équipe nécessaire pour ce chantier ambitieux.
Enjeux et impacts
Sécurité et vie privée
En supprimant les logiciels propriétaires, LibrePhone permet de limiter l’espionnage intégré par certains fabricants et géants du mobile. Les utilisateurs auront un contrôle total sur les applications et les données personnelles, réduisant les risques de collecte non consentie.
Emploi et économie locale
Le projet ouvre la voie à de nouvelles opportunités pour les développeurs spécialisés en logiciels libres. Les entreprises locales et start-ups pourront exploiter ces systèmes libres pour créer des services et applications innovants, favorisant un écosystème économique indépendant des grandes plateformes.
Concurrence et droit international
LibrePhone constitue un signal fort face aux monopoles de l’industrie mobile, principalement Android et iOS. Il pourrait influencer les régulations européennes et internationales en matière de droit à la modification et à la portabilité des logiciels, ainsi que de souveraineté numérique.
Bénéfices pour l’intérêt général
Au-delà des utilisateurs techniques, le projet bénéficie au grand public en promouvant :
- La transparence logicielle
- L’autonomie numérique
- La réduction des dépendances aux GAFAM
Pour obtenir ce compromis de liberté complète, la FSF doit investir temps, expertise et financement privés, car les fabricants de téléphones restent largement dépendants de logiciels propriétaires pour garantir la compatibilité des composants et la sécurité commerciale.
Les prochaines étapes incluent :
- L’audit des téléphones compatibles
- Le reverse engineering des modules propriétaires
- Le développement progressif d’un système Android totalement libre
La FSF souligne que ce projet sera long et complexe, la réussite dépendant à la fois de l’expertise technique et de la participation de la communauté libre. Aucune date précise de finalisation n’a été annoncée.
Le lancement de LibrePhone constitue une avancée majeure pour la souveraineté numérique des utilisateurs, mais son succès reste tributaire des développements techniques et de la mobilisation de la communauté mondiale du logiciel libre. La route vers un smartphone totalement libre est encore longue, mais la FSF montre que la volonté de liberté n’a pas de date d’expiration. Source
