La Septième Cible : Anatomie du suspense et du récit classique

Le cinéma ne raconte pas seulement des histoires : il manipule nos attentes, nos peurs et notre curiosité. Claude Pinoteau, avec La Septième Cible (1984), dernier film porté par l’immense Lino Ventura, illustre parfaitement ces ressorts. Thriller français typique des années 80, ce film fonctionne presque comme une « leçon de narration ». On y retrouve les trois grands moteurs du récit déjà décrits par Aristote dans sa Poétique : le suspense, la curiosité et la surprise.

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Affiche de La 7ème Cible
La septième cible, Claude Pinoteau (1984)

Le piège invisible : l’art du suspense

Le suspense naît d’une asymétrie d’information : le spectateur en sait plus que le personnage. C’est ce que résume Hitchcock dans son célèbre entretien avec Truffaut : « Le suspense, c’est quand le spectateur en sait plus que les personnages » (Le cinéma selon Hitchcock, 1966).

Dans La Septième Cible, la scène où Ventura suit en voiture son maître-chanteur illustre cette tension. Nous savons que le héros est sur le point d’être repéré : le danger est imminent, et nous retenons notre souffle. Le suspense repose ainsi sur un savoir « en trop », qui nous rend complices et prisonniers de l’attente.

Conversations fantômes : la curiosité en action

Si le suspense joue sur l’excès d’information, la curiosité fonctionne à l’inverse : un déficit de savoir. Roland Barthes, dans S/Z (1970), appelle cela le code herméneutique : l’énigme que le spectateur brûle de résoudre.

Dans La Septième Cible, cette mécanique passe par les conversations téléphoniques. Nous n’entendons qu’une seule voix, jamais l’interlocuteur. Qui est à l’autre bout du fil ? Que s’est-il réellement dit ? Comme l’explique Umberto Eco dans Lector in fabula (1979), le spectateur « coopère à l’actualisation du texte » : il comble les vides, imagine, échafaude des hypothèses. C’est cette curiosité qui nous pousse à suivre l’intrigue jusqu’au bout, plus encore que l’action elle-même.

Lino Ventura et Béatrice Angenin au téléphone en pleine scène de tir
Même dans les scène d’action, le téléphone est bien présent

L’inattendu : quand la surprise désarme

Le troisième ressort narratif est celui de la surprise, surgissant lorsque le récit déjoue nos attentes. Aristote, déjà dans la Poétique, notait : « Le plus beau des effets, c’est la reconnaissance accompagnée de péripétie » (chap. XI).

Vers la fin du film, Pinoteau en joue habilement. Alors que nous nous résignons à ne rien comprendre d’une conversation cruciale, l’inspecteur de police avoue lui-même qu’il n’a rien compris… et en résume maladroitement le contenu. Non seulement cette scène provoque un léger comique de répétition, mais elle déstabilise aussi le spectateur : l’attente est déjouée, et nous voilà surpris d’avoir été devancés.

Le poids d’un classique

Reste la question : La Septième Cible est-il un grand polar ? Pas vraiment. Sa trame peut sembler datée, son rythme alourdi par la présence d’un Ventura vieillissant. Mais le film reste un bel exemple de ce que Gérard Genette appelait le « vraisemblable classique » (Figures III, 1972) : un récit clair, parfaitement construit, qui illustre presque pédagogiquement les ressorts fondamentaux du cinéma narratif.

C’est peut-être là sa vraie réussite : offrir, plus qu’une œuvre marquante, une sorte d’atelier de démonstration. Ventura y livre son ultime rôle comme un professeur malgré lui, et Pinoteau nous rappelle que l’efficacité du cinéma repose toujours sur un savant dosage entre savoir et ignorance, tension et révélation.

Une cible atteinte

Sans être un chef-d’œuvre, La Septième Cible demeure précieux pour qui s’intéresse à la mécanique du récit. Il illustre la manière dont un film peut orchestrer nos émotions avec des outils anciens mais toujours efficaces. Suspense, curiosité, surprise : trois cibles atteintes par ce polar classique, où l’ultime apparition de Ventura résonne comme une dernière leçon de cinéma. Et puis, regarder un film avec un tel jeu d’acteur, ce n’est de toute façon jamais une perte de temps.

Les trois acteurs cultes (Lino Ventura, Lea Massari et Jean Poiret)
Lino Ventura, Lea Massari et Jean Poiret

A propos de La Septième Cible :

Disponible jusqu’au 14/02/2026 sue la plateforme Arte.TV .


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