Salut les amis !
Aujourd’hui, je m’installe devant mon ordi, prêt à vous pondre une nouvelle chronique. J’ai plusieurs artistes en tête, mais je ne sais pas trop par où commencer, ni comment vous accrocher avec une petite anecdote comme j’aime bien le faire. Et là, écran blanc… je sèche, je rame, rien ne sort. Un grand moment de solitude devant le clavier.
Mais bim, mon téléphone sonne. C’est mon vieux pote musicien Stéphane, de Strasbourg. Ça faisait un bail qu’on n’avait pas papoté, alors forcément, on se lance tout de suite dans nos projets musicaux respectifs. Il m’annonce la sortie de son nouvel album et de son groupe Solaris Great Confusion et là je me dis : tiens, faut en parler un peu. Parce qu’au-delà de l’amitié, sa musique mérite d’être écoutée. C’est calme, mélodique, avec une vraie richesse vocale et une ambiance un peu planante, entre pop expérimentale et ambient. Ils enregistrent souvent en home studio, bricolent les sons comme un alchimiste, et ça sonne toujours hyper sincère. Bref, si t’as envie de découvrir un groupe indé bien foutu, fais un tour sur Youtube, ça mérite.
Le déclic : Robert Wyatt
Mais revenons à notre appel. En discutant, Stéphane me rappelle un artiste que je lui avais conseillé il y a des années, à l’époque où je faisais déjà le DJ bénévole de mes potes (comme maintenant avec vous). Et là vlan, éclair de génie : Robert Wyatt. Voilà de qui je vais vous parler aujourd’hui. Et plus précisément de deux albums que j’aime profondément : Rock Bottom (1974) et Dondestan (1991). Deux œuvres intimes, expérimentales, touchantes. Deux petits chefs-d’œuvre d’un homme hors du commun.
Pour ceux qui ne connaissent pas, Robert Wyatt c’est un ovni, mais du genre terrien et très humain. C’est un des membres fondateurs de Soft Machine (c’est le batteur chanteur du groupe), ce groupe culte de la scène Canterbury anglaise à la fin des années 60, un joyeux mélange de jazz, de rock psyché et d’expérimentation totale. Mais en 1973, sa vie bascule. Une chute d’un balcon le rend paraplégique. Et au lieu d’abandonner la musique, il en fait autre chose. Quelque chose de plus intérieur, de plus fragile, mais toujours inventif.
« Rock Bottom » – 1974
Ce disque-là, il est mythique pour mille raisons. Mais surtout pour la manière dont il a été conçu. En 1973, Wyatt chute d’un balcon à Londres (je sais je l’ai déjà dit dans l’intro), après une soirée trop arrosée (au moins je précise). Il devient paraplégique à 28 ans. Un coup de massue. Mais au lieu de s’éteindre, il fait exploser un univers musical intérieur. Cloué sur un lit d’hôpital, il compose tout l’album dans sa tête, sans instrument sous la main. Il imagine les sons, les structures, les voix, les silences. C’est seulement à sa sortie de l’hôpital qu’il commence à mettre en sons ce qu’il avait fantasmé allongé pendant des mois. Et le résultat est incroyable : une sorte de jazz aquatique, de rêve éveillé, de poésie flottante.
Au passage Mike Oldfield (le gars de Tubular Bells, oui oui, celui qu’on entend dans L’Exorciste) joue sur le disque, sur le titre « Little Red Riding Hood Hit the Road ». Y a aussi Fred Frith (du groupe Henry Cow), et Richard Sinclair (du groupe Caravan). Une belle bande d’illuminés géniaux. L’album est produit par Nick Mason (le batteur de Pink Floyd), qui l’enregistre dans une ambiance quasi domestique. Le titre « Sea Song », en ouverture, est dédié à Alfreda Benge, sa compagne, muse, autrice, dessinatrice, qui signera aussi plusieurs de ses pochettes. Wyatt dira plus tard :
« Je n’ai jamais su si je faisais des chansons pour moi, ou pour elle. »
Cet album, c’est un monde en soi. Ça ne ressemble à rien d’autre. C’est doux, étrange, triste et plein d’amour. Et c’est un disque que tu ressens plus que tu ne comprends.
« Dondestan » – 1991
Presque 20 ans plus tard, Wyatt sort Dondestan (lire “Donde están” = “Où sont-ils ?” en espagnol). Et là encore, on est dans quelque chose de très personnel, très bricolé, presque fait à la maison (en partie enregistré dans sa chambre).
Ce disque est plus politique, plus en colère aussi, mais toujours dans un langage de murmures. Wyatt y parle d’exil, de guerre, de désillusion… avec des textes coécrits avec Alfreda, encore elle. Il s’indigne contre le sort des Palestiniens (déjà en 1991), contre les injustices sociales, contre les puissants. Mais jamais en frontal. Il préfère le flou poétique à la colère directe. C’est du militantisme par la caresse, pas par le poing. Et malgré la fragilité de la voix, on sent une forme de puissance émotionnelle assez unique. Tu peux mettre ce disque à 8h du matin en buvant ton thé (moi j’suis plutôt café), ou à 23h en regardant les étoiles, ça fonctionne à chaque fois.
Wyatt aujourd’hui
Depuis les années 2010, Wyatt s’est retiré de la musique active. En 2015, il annonce qu’il arrête définitivement d’enregistrer. Il vit toujours dans le Lincolnshire, dans une maison remplie de disques, de livres, de souvenirs. Il continue à lire, à peindre un peu, à donner de rares interviews, souvent d’une grande tendresse. Il reste une figure culte, respectée par toute une génération d’artistes, de Björk à Damon Albarn (Blur, Gorillaz), en passant par David Gilmour, Radiohead ou même Thom Yorke, qui l’a toujours cité comme une influence majeure.
Invitation à l’écoute
Ce que je vous dis là, c’est simple : allez écouter Robert Wyatt, vous y trouverez une voix unique, un esprit libre, et une musique vraiment à part. Pas besoin de tout comprendre. Faut juste se laisser bercer, égarer, caresser. On ne sort jamais indemne d’un disque de Wyatt. Et pourtant, on y retourne toujours.
Allez, mes chers amis et fidèles lecteurs,
Rangez vos playlists Spotify, Deezer générées par algorithmes,
Et offrez-vous un vrai moment de musique humaine.
À bientôt bande de….. doux rêveurs.
Bill Ottomo, chroniqueur bancal, mais heureux et merci à Stéphane de Strasbourg pour l’inspiration.

Super chronique, comme d’habitude ! J’adore la façon dont tu mêles anecdotes perso et découvertes musicales. Solaris Great Confusion, je ne connaissais pas, mais je viens d’écouter quelques titres sur YouTube et c’est vrai que l’ambiance est super immersive. Merci pour la découverte, et vivement la prochaine chronique ! 😊🎵