Il fut un temps, au cœur de la guerre froide, où la souveraineté technologique se jouait sur le terrain des fusées et des microprocesseurs, dans un ballet stratégique entre les blocs de l’Est et de l’Ouest. Le 6 août 2025, Donald Trump, fidèle à sa ligne nationaliste, a ravivé cette mémoire brûlante en annonçant des droits de douane de 100 % sur les puces électroniques et semi-conducteurs importés aux États-Unis. Une mesure brutale, dont l’entrée en vigueur reste floue, mais qui marque un nouveau jalon dans l’escalade protectionniste américaine. Le président républicain justifie cette décision par la nécessité de rapatrier la fabrication de composants stratégiques sur le sol américain. Une annonce qui intervient dans un contexte de tension croissante entre Washington et Pékin, sur fond de décélération économique mondiale.
Cette volte-face s’explique par la volonté affichée de reconstruire un tissu industriel affaibli, et de contrecarrer une dépendance jugée intolérable envers l’Asie, et plus précisément Taïwan, fournisseur central des micro-puces. Le géant taïwanais TSMC, anticipant ce durcissement, a déjà investi plus de 100 milliards de dollars dans des infrastructures sur le territoire américain, se mettant ainsi à l’abri de cette surtaxe. Apple suit la même trajectoire, en multipliant les implantations locales. Derrière ces annonces, une mécanique d’incitation économique et de chantage fiscal se dessine : seuls les industriels qui s’alignent sur la volonté présidentielle échappent à la punition douanière. Les autres, notamment les fournisseurs asiatiques restés en dehors du jeu américain, voient leur accès au marché américain gravement compromis. Une situation sans précédent dans l’histoire récente du commerce mondial.
La brutalité de ce revirement interroge tant sur ses effets concrets que sur sa légitimité. « Il est temps de faire revenir les emplois chez nous, et d’en finir avec cette dépendance stratégique qui nous affaiblit », a martelé Trump, dans un discours au ton offensif. Mais au-delà des slogans, cette stratégie fragilise les chaînes d’approvisionnement mondiales et attise les tensions avec les alliés traditionnels des États-Unis. Le Japon, la Corée du Sud, et même certains pays européens s’inquiètent des répercussions d’un tel repli sur soi. L’industrie mondiale, déjà ébranlée par les ruptures post-Covid, pourrait entrer dans une nouvelle spirale de désorganisation, aux conséquences durables.
« Une souveraineté manufacturière sous condition »
Qui peut croire que cette manœuvre coercitive créera de l’emploi sans provoquer de retours de flamme ? Que ferait une Europe visée demain par des mesures similaires ? Comment les économies émergentes pourraient-elles réagir face à ce durcissement commercial soudain ? Et surtout, quelles seront les représailles chinoises, dans un contexte où chaque annonce américaine semble aggraver la fracture numérique planétaire ?
Quelques jours plus tôt, les marchés espéraient une accalmie dans la guerre commerciale. Ce décret présidentiel, comme une bourrasque inattendue, obscurcit l’horizon au lieu de l’éclairer.
