Le retour de Donald Trump sur la scène politique internationale a ravivé les tensions commerciales entre les États-Unis et l’Union européenne. Dans la ligne de mire : les vins, champagnes et spiritueux européens, emblèmes d’un artisanat que Washington accuse d’injustice fiscale. En mars 2025, l’ancien président américain a relancé une guerre tarifaire aux relents nationalistes, brandissant la menace d’une taxe pouvant atteindre 200 % sur les alcools importés d’Europe. Cette stratégie a semé l’inquiétude à Bordeaux, Reims, Cognac et au-delà. Faut-il y voir une simple manœuvre électoraliste ou un tournant stratégique dans les échanges globaux ?
Historique des tensions commerciales depuis mars 2025
C’est en mars 2025 que les tensions ont brutalement ressurgi. À cette date, Donald Trump, engagé dans une nouvelle campagne présidentielle, a promis de taxer jusqu’à 200 % les vins, champagnes et spiritueux européens destinés au marché américain. Une menace qui répondait à l’instauration, quelques semaines plus tôt, de droits de douane de 50 % par l’Union européenne sur le whisky américain, notamment le bourbon. Bruxelles avait alors agi en représailles aux tarifs américains sur l’acier et l’aluminium.
Lors d’un meeting dans l’Iowa, Trump dénonçait « l’agressivité des bureaucrates de Bruxelles » et conditionnait tout allègement à une levée des sanctions européennes. Très vite, la simple menace d’un doublement voire triplement des prix a gelé une partie des expéditions de vins français vers les États-Unis, premier marché mondial pour les alcools haut de gamme européens.
En avril 2025, un accord temporaire a permis de limiter les hausses à 10 % pour une durée de 90 jours, soulageant provisoirement les producteurs. Mais cette trêve n’a pas duré. Le 1er juillet 2025, Trump a de nouveau haussé le ton : dès le 1er août, les produits européens seraient surtaxés à 30 %, s’ajoutant à d’autres droits sectoriels existants. Ce durcissement a déclenché un vent de panique dans la filière viticole française. Le champagne, qui pèse à lui seul près de 800 millions d’euros d’exportations annuelles vers les États-Unis, risquait de voir ses ventes s’effondrer.
Une filière fragilisée et sous tension
Sur le terrain, les conséquences sont immédiates. Les producteurs, négociants et exportateurs redoutent un effet domino sur toute la chaîne de valeur. À Cognac, à Beaune ou à Épernay, les commandes américaines sont suspendues dans l’attente de décisions définitives. Les entrepôts se remplissent, les marges se contractent, et les distributeurs américains se tournent vers d’autres marchés.
Les grands groupes comme Pernod Ricard ou LVMH restent prudents. Officiellement, aucun chiffre n’est publié, mais en coulisse, l’inquiétude est palpable. La Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux de France (FEVS) estime que plus d’un milliard d’euros de pertes sont envisageables si la surtaxe est appliquée durablement.
Le marché américain représente près d’un tiers des ventes de spiritueux français à l’étranger. Et dans un contexte de baisse de la consommation mondiale d’alcool, les marges de manœuvre sont faibles. Pour les petites maisons, une chute brutale des volumes exportés pourrait signer une catastrophe économique.
Les objectifs géopolitiques derrière la manœuvre
Au-delà du commerce du vin, cette stratégie s’inscrit dans une vision géopolitique plus large de Donald Trump. Le vin devient un levier de pression politique, un outil symbolique pour réaffirmer la domination américaine dans les échanges. Trump ne s’en cache pas : il souhaite rééquilibrer les balances commerciales en faveur des États-Unis, quitte à attaquer frontalement les secteurs emblématiques de l’Europe.
Cette politique s’appuie sur une logique simple : récompenser les alliés commerciaux dociles et punir ceux jugés hostiles. L’Union européenne, avec ses normes environnementales, fiscales et sanitaires strictes, est perçue comme un obstacle aux ambitions américaines. En ciblant les produits de luxe européens, Trump frappe là où ça fait mal : l’image, la valeur ajoutée et le prestige.
De manière implicite, cette taxe s’inscrit dans un clivage civilisationnel latent entre deux visions du commerce mondial : celle, régulée, défendue par l’Europe, et celle, plus agressive et bilatérale, prônée par l’ex-président américain.
Le jeu des puissances extérieures : Chine, UE, ONU
Dans cette confrontation, les acteurs extérieurs observent, agissent ou se préparent. L’Union européenne a tenté de réagir par le dialogue, envoyant plusieurs émissaires à Washington au printemps. Mais les négociations restent bloquées sur des positions rigides. La commissaire européenne au commerce, Valdis Dombrovskis, a évoqué en juin une possible saisine de l’OMC, sans résultat pour l’instant.
De son côté, la Chine suit l’évolution de ce bras de fer avec intérêt. Elle voit dans ces tensions une occasion de renforcer ses positions sur les marchés européens du vin, notamment en Italie et en Espagne, mais aussi aux États-Unis en proposant ses propres spiritueux à bas coût.
Les États-Unis cherchent aussi à mobiliser le Royaume-Uni, désormais hors UE, pour obtenir un appui politique aux surtaxes, en échange de nouveaux accords commerciaux bilatéraux post-Brexit.
Quant à l’ONU, elle n’intervient pas directement sur ce type de dossiers commerciaux, mais certaines agences, comme la CNUCED, alertent sur les effets déstabilisants de ces pratiques pour le commerce mondial et les économies locales des pays exportateurs.
Une reconfiguration des échanges globaux en trompe-l’œil ?
La « taxe Trump » sur les alcools européens n’est pas un simple différend commercial. Elle illustre une stratégie de bluff où les peurs économiques deviennent des instruments géopolitiques, selon le principe du « plus c’est gros, mieux ça passe ». Ce bras de fer vise à redessiner les équilibres du commerce international, poussant l’Europe à renforcer ses partenariats alternatifs, notamment en Asie et en Afrique.
Cependant, à ce jour, il n’existe qu’un seul champagne, un seul Bordeaux, une seule Côte de Provence, etc., dans le monde. Le commerce du vin deviendra-t-il l’otage d’un affrontement idéologique entre nationalisme économique et libre-échange régulé ? Ou assistera-t-on à un retour du dialogue multilatéral une fois les élections américaines passées ?
