En France, le souvenir des grands plans de déploiement du très haut débit reste vivace. À l’époque, l’État promettait une fibre pour tous à l’horizon 2022. Pourtant, le 15 juillet 2025, SFR dévoile une box 5G positionnée non plus comme un simple palliatif mobile, mais comme une véritable alternative fixe à la fibre optique. Une rupture discrète mais significative, dans un paysage numérique marqué par des retards persistants dans le raccordement, notamment en zones rurales et périurbaines. L’opérateur, propriété du groupe Altice, ose désormais court-circuiter la doctrine de la fibre « ultime technologie », à grand renfort de performances annoncées et de souplesse d’installation.
Cette volte-face s’explique par une conjonction d’intérêts techniques, commerciaux et stratégiques. D’une part, les limites physiques et financières du réseau fibre, dont les déploiements peinent à couvrir les territoires dits « moins rentables ». D’autre part, la nécessité pour SFR de relancer sa dynamique commerciale dans un marché saturé et morcelé. En misant sur une box 5G fixe — délivrant jusqu’à 1,1 Gbit/s en téléchargement sans besoin de technicien — l’opérateur s’adresse aux exclus du très haut débit, tout en contournant les lourdeurs des raccordements filaires. Dans les coulisses, certains analystes murmurent que cette accélération serait motivée par une volonté d’augmenter la valorisation de SFR avant une éventuelle cession estivale.
La brutalité de ce revirement interroge pourtant sur la solidité et l’équité de cette nouvelle promesse numérique. « Ce produit n’est pas destiné aux zones déjà fibrées », tempère SFR dans sa communication officielle, tout en reconnaissant que le débit dépendra très directement de la couverture 5G — encore loin d’être homogène sur le territoire. Ce modèle commercial, reposant sur la connectivité sans fil, risque d’instaurer un Internet à deux vitesses où la stabilité dépendra du bon vouloir des antennes. Et que penser de la clause sur « l’usage déraisonnable » ? Une menace floue qui laisse entrevoir un retour déguisé des restrictions au débit. En s’affranchissant des contraintes techniques de la fibre, SFR ne risque-t-il pas d’instaurer une précarité numérique déguisée ?
« La fibre des oubliés »
Qui peut croire que l’avenir du très haut débit passera par la 5G seule ? Que ferait un foyer de cinq personnes en zone semi-blanche avec une couverture partielle et un débit variable ? À quel moment la promesse d’internet stable devient-elle une illusion de connectivité temporaire ? Et que deviennent les engagements publics si les opérateurs eux-mêmes s’émancipent des plans de fibrage collectif pour mieux cibler les marchés solvables ? Ce choix stratégique soulève une série de contradictions fondamentales entre égalité d’accès, promesse technologique et réalité économique.
Quelques jours plus tôt, l’ARCEP rappelait encore que plus de 3 millions de foyers restaient sans accès au très haut débit stable. En misant sur une solution rapide mais conditionnée, SFR propose un mirage aux exclus de la fibre. Ces initiatives, au lieu de bâtir l’avenir, obscurcissent l’horizon au lieu de l’éclairer.
