Une arrestation surprise en pleine nuit à Séoul
Dans la nuit de mardi à mercredi, l’ancien président sud-coréen Yoon Suk Yeol a été incarcéré pour la seconde fois en moins de six mois. Le juge Nam Se-jin du tribunal central de Séoul a signé son mandat d’arrêt à 2h07 du matin, évoquant un risque élevé de destruction de preuves. Cette décision marque un nouveau tournant dans l’enquête sur la tentative avortée de mise en place de la loi martiale par l’ex-chef d’État en décembre dernier.
Ce placement en détention relance les poursuites du procureur spécial Cho Eun-suk, nommé peu après la crise politique de l’hiver pour faire la lumière sur cette séquence opaque de l’histoire démocratique sud-coréenne.
Un plan de loi martiale qui murissait depuis plusieurs mois
Derrière l’arrestation nocturne, c’est une stratégie politique de long terme qui se dessine. Yoon Suk Yeol, élu en 2022, nourrissait depuis plusieurs mois des intentions autoritaires, selon les conclusions du parquet. Dès novembre 2023, des officiers du renseignement sud-coréen avaient été surpris en contact avec des représentants nord-coréens à Oulan-Bator, en Mongolie.
Selon le parquet, ces démarches auraient pu servir à provoquer une réaction de Pyongyang, dans le but d’en justifier une déclaration de loi martiale sur le territoire sud-coréen. Le 3 décembre 2023, une telle mesure fut brièvement imposée pendant six heures. Yoon aurait alors fait rédiger un faux décret par le Premier ministre Han Duck-soo et le ministre de la Défense Kim Yong-hyun, avant de le faire disparaître.
Des accusations graves, un procès à haut risque
Le mandat d’arrêt cite cinq chefs d’accusation : abus de pouvoir, falsification de documents officiels, obstruction à l’exercice de fonctions publiques, violation de la loi sur la sécurité présidentielle, et conspiration en vue d’une insurrection. Des charges que Yoon a formellement niées lors de l’audience de sept heures à laquelle il a assisté avec ses avocats.
Les enquêteurs évoquent également une tentative de manipulation de l’opinion via de faux communiqués de presse et des ordres donnés à ses équipes pour effacer les traces de communications chiffrées. Yoon est accusé d’avoir voulu détruire l’ordre constitutionnel en interférant avec les procédures d’arrestation le 3 janvier dernier, alors qu’il était encore en fonction.
Une cellule spartiate pour un ex-président
Depuis sa nouvelle arrestation, Yoon est détenu dans une cellule individuelle d’environ 10 m², sans climatisation, au centre de détention de Séoul. Il y dort sur un futon, dispose d’un petit lavabo et d’une table pliante. Son statut d’ancien président ne lui accorde plus aucun traitement de faveur. Il a été soumis à un relevé biométrique, photographié en tenue carcérale kaki, et mange les mêmes repas que les autres détenus : ce matin-là, une simple portion de pain au fromage, des pommes de terre vapeur et des fruits secs.
Des proches également dans le viseur
Le mandat d’arrêt mentionne d’éventuels co-conspirateurs. Parmi eux, l’ancien Premier ministre Han Duck-soo, le directeur de cabinet présidentiel Kang Ui-ku, et l’ancien ministre de la Défense Kim Yong-hyun. Le parquet s’intéresse aussi à d’anciens responsables de la sécurité présidentielle qui auraient tenté d’empêcher l’arrestation de Yoon en janvier dernier.
Le parquet envisage de les convoquer à nouveau et pourrait leur délivrer des mandats à leur tour. L’enquête devrait ensuite s’orienter vers des soupçons de trahison, si la collaboration avec des agents nord-coréens pour provoquer un incident militaire se confirme.
Une enquête explosive qui ébranle la démocratie
Le nouveau président sud-coréen, Lee Jae-myung, élu après la destitution de Yoon, avait promis de restaurer les fondements démocratiques du pays. L’affaire Yoon risque d’être un test pour cette ambition. Si les faits sont avérés, ils constitueraient l’un des cas les plus graves d’abus de pouvoir présidentiel depuis la fin du régime militaire en Corée du Sud.
Le dossier est désormais entre les mains du parquet spécial qui dispose d’un délai maximal de 20 jours pour l’instruction en détention. À l’issue de cette période, Yoon Suk Yeol pourrait être formellement inculpé et jugé. Il encourt, selon la législation sud-coréenne, la réclusion à perpétuité, voire la peine de mort.
