Tour de France 2025 : le mythe sans les dieux

Ils pédalent, ils soufflent, ils chutent et se relèvent. Ils portent des noms que la foule acclame sans les connaître vraiment. Et pourtant, cette année encore, on nous ressert la grande messe du Tour, comme s’il s’agissait d’un écho immuable à notre besoin collectif d’épopée. Le Tour de France 2025, nous dit-on, revient à l’essentiel : un parcours 100 % français, comme un retour aux sources. Quelle audace ! Comme si la géographie pouvait masquer l’ennui, et le folklore, l’érosion du souffle mythique.

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Mais souvenons-nous. Le 1er juillet 1903, Henri Desgrange lançait depuis Montgeron une cavalcade qui devait transcender la France de l’après-dreyfusisme : unir un peuple par la route, par l’effort, par le dépassement. C’était moins une course qu’une catharsis nationale, un théâtre où s’incarnaient les vertus républicaines. Depuis, chaque Tour prétend rejouer ce rite. Mais aujourd’hui, que reste-t-il de cette mystique ?

L’esthétique de cette 112ᵉ édition semble vouloir renouer avec l’idée d’un territoire sacré : Hautacam, Luchon, Mont Ventoux… autant de totems qui furent, jadis, des autels. Et pourtant, ce décor magnifique n’abrite plus qu’un spectacle formaté, médiatisé à l’excès, saturé de sponsors, de drones et de statistiques. L’image a remplacé l’imaginaire. Le peloton devient un produit, le maillot jaune une couleur parmi tant d’autres sur une carte d’audience.

Derrière cette façade se profile une vérité plus dérangeante : l’idéal héroïque s’est effacé devant l’algorithme. Nous vivons une époque sans dieux, où les coureurs sont des machines de watts, leurs souffrances mesurées en kilojoules, leurs stratégies dictées par les oreillettes. L’éthique stoïcienne du sacrifice, du silence et de la grandeur s’efface dans le cliquetis des réseaux sociaux.

Ce basculement ne date pas d’hier. Il eut lieu quelque part entre l’affaire Festina et l’ère Armstrong, entre mensonge et miracle, entre la quête et la trahison. Le Tour a vacillé, perdu sa candeur, puis sa grandeur. Depuis, il roule dans une boucle infinie, comme Sisyphe poussant son rocher.

Et pourtant, une lueur subsiste. Le duel Van der Poel – Pogačar rappelle, malgré tout, les joutes antiques : deux tempéraments, deux esthétiques, deux écoles. L’un nerveux et offensif, l’autre félin et calculateur. Ce n’est pas Homère, non, mais c’est encore du sport. « L’homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux », écrivait Lamartine. Alors, parfois, entre deux virages, un frisson nous traverse.

Les signes du pouvoir sont là : primes démentielles, villes transformées en temples du divertissement, discours de ministres, hélicoptères, et Fan Parks. La République célèbre ses champions comme jadis l’Empire ses généraux : pour faire oublier le vide.

Mais que célèbre-t-on, au fond ? Une performance ou une illusion ? Une nation ou un produit ? Le Tour prétend incarner la France, mais quelle France : celle des paysages ou celle des écrans ? Qui peut croire que la montagne suffit à bâtir une légende ? Que reste-t-il des forçats de la route, des gestes silencieux, des larmes de Panthéon ?

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