Sing Sing : Quand le théâtre s’invite en prison

Affiche du film Sing Sing de Greg Kwedar
Sing Sing, de Greg Kwedar (2025)

Le cinéma carcéral est souvent marqué par des récits sombres et violents. Mais Sing Sing, dernier film de Greg Kwedar, emprunte une autre voie : celle de l’art comme vecteur de transformation.
Dans la prison de haute sécurité Sing Sing, près de New York, des détenus participent à un programme de théâtre. La troupe accueille de nouveaux membres pour monter une pièce originale, Breakin’ The Mummy’s Code.

Un film juste et bouleversant, sans artifices

J’aime les films sur l’univers carcéral, mais ils suscitent souvent chez moi une appréhension : seront-ils équilibrés dans leur propos ou dénués de toute nuance ? Sing Sing fait preuve d’une justesse imparable. Peu importe pourquoi ces hommes sont là, car le film cherche avant tout à montrer le pouvoir du théâtre sur l’âme humaine. Loin du pathos, il capte avec finesse ces instants de grâce qui naissent au sein du groupe.

Cette authenticité repose en grande partie sur un tournage basé sur l’improvisation. La caméra a enregistré plus de huit heures de rushs pour ne garder que l’essence des échanges les plus sincères. Cela se ressent dans la spontanéité des dialogues et la simplicité de la mise en scène. On y entend un détenu parler de son évolution, un autre confier que le théâtre le console de ne jamais pouvoir visiter son île natale.

Sans jugement ni absolution, le film dépeint un quotidien cadenassé par des obligations, où l’imaginaire devient le seul véritable moyen d’évasion. Cette neutralité idéologique n’ôte rien à l’émotion ; au contraire, elle révèle l’essentiel : l’humain derrière le détenu.

Dans un souci d’authenticité, le directeur de la photographie Pat Scola a choisi de tourner en pellicule. Ce format, avec ses imperfections et sa texture granuleuse, accentue l’impact visuel et émotionnel du film. Comme des souvenirs filmés, ces images confèrent à Sing Sing une dimension intemporelle. Un choix qui rejoint le credo de Jean-Luc Godard : « L’art ne propose pas de solutions, il pose des questions. »

Entre fiction et réalité, un choix de mise en scène audacieux

Greg Kwedar brouille les frontières entre la fiction et le réel. Pour raconter cette histoire inspirée de faits authentiques, il a confié les rôles aux véritables protagonistes. À l’exception du personnage principal, Divine G, tous les autres détenus à l’écran ont réellement pris part au programme de théâtre de Sing Sing.

Cet écho entre passé et reconstitution est au cœur du film : les prisonniers, à travers le théâtre, apprennent à affronter leurs émotions et à se réapproprier leur identité. C’est, en somme, le principe même du théâtre : puiser dans son vécu pour donner vie à une histoire.

Acteurs de leur vraie histoire
La troupe d’acteur de Sing Sing, entre fiction et réalité

Le théâtre en prison: un exutoire nécessaire

Loin des clichés de la salle de musculation, les ateliers de théâtre en prison sont nombreux, y compris en Europe, et ont prouvé leur efficacité. Comme le soulignait Jean-Louis Barrault : « Le théâtre est le premier sérum que l’homme ait inventé pour se protéger de la maladie de l’angoisse. »

Pourtant, ces initiatives restent fragiles, car elles dépendent de subventions de plus en plus rares. En Allemagne, la troupe AufBruch, qui réunit des détenus de différentes prisons depuis plus de trente ans, est sur le point de disparaître faute de moyens.

En France, plusieurs projets continuent d’émerger, notamment à la prison d’Angers. C’est d’ailleurs dans cet établissement que l’acteur français Youssef Zouini, révélé dans Overdose (Olivier Marchal, 2022), a découvert sa passion pour le théâtre. Si Voltaire affirmait que l’on juge un pays à l’état de ses prisons, il est urgent de se demander quel avenir attend ces programmes.

Le théâtre comme miroir de son identité
Le théâtre pour réfléchir à son identité

Une oeuvre introspective et marquante

Sing Sing s’impose comme un futur classique du film carcéral. Là où d’autres misent sur la brutalité pour raconter l’enfermement, Greg Kwedar choisit un chemin plus subtil : celui de l’élévation par l’art. La violence du cadre est omniprésente, mais jamais soulignée de manière excessive. Ce qui importe ici, ce n’est pas la prison elle-même, mais la manière dont chacun trouve un sens pour survivre.

À travers le regard des détenus, Sing Sing explore une autre forme de liberté, celle que l’on trouve en soi quand il ne reste plus rien d’autre. Dedans et dehors deviennent des notions relatives, et la frontière entre les murs d’une prison et ceux que l’on se construit soi-même s’efface peu à peu.

Porté par une humanité vibrante, le film touche en plein cœur et pose une question universelle : qu’est-ce qu’être libre, au fond ? Greg Kwedar signe un film où la véritable échappatoire ne réside pas dans l’espace, mais dans la puissance du rêve et de la création.

La troupe de théâtre de Sing Sing
De gauche à droite: Paul Raci (acteur), Sean San José, Colman Domingo (acteur), Sean « Dino » Johnson, et Mosi Eagle

A propos de Sing Sing :

Encore dans les cinémas.

Film tout public.


2 commentaires sur « Sing Sing : Quand le théâtre s’invite en prison »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *