Votre feuilleton, offert par Titan-Informatique, spécialiste en dépannage et solutions.
Chapitre 1 – L’Attente
Chapitre 2 – Le Retour à la Basse Ville
Chapitre 3 – Ce que dissimule le sol
Chapitre 4 – L’ombre ne meurt jamais
Chapitre 5 – Le feu de La Garde
Chapitre 6 – Trois types biens
Chapitre 7 – Déconstructions
Chapitre 8 — L’envers du décor
Chapitre 9 — Les eaux troubles de Saint-Mandrier
L’université de La Garde n’avait pas changé. Les bâtiments gris striés d’ombres, l’odeur stagnante des couloirs, le brouhaha désorganisé des élèves, tout cela revenait à Delphine comme un rêve ancien à peine effacé. Elle n’était pas là pour suivre un cours, mais pour intervenir auprès des premières années, à l’invitation de Monsieur Outiv, son ancien professeur de chimie. Ironique, quand on savait que cette matière avait été, pour elle, une promenade de santé — ou un terrain vague sans intérêt, selon l’angle choisi.
Outiv l’accueillit avec sa nonchalance coutumière, le regard toujours aussi fuyant derrière ses lunettes mal nettoyées. Il plaisantait souvent, à l’époque, en disant qu’il n’avait plus rien à lui enseigner après les trois premières semaines de cours.
L’intervention se déroula sans accroc. Delphine parla de son parcours, de la recherche académique à ses errances professionnelles, en passant par ses engagements. Les étudiants prenaient des notes avec application. Certains levaient les yeux, fascinés par cette femme qui, sans effort, réussissait à faire résonner l’austérité scientifique avec la réalité sociale.
Après l’échange, elle resta discuter avec quelques anciens enseignants. Madame Degrès, sa professeure de philosophie, toujours habillée de lin beige et de pensées existentialistes, fut la première à briser la courtoisie :
— « Tu n’as toujours pas trouvé d’emploi ? Tu étais l’élève que tous les professeurs rêvent d’avoir… T’as changé de look, c’est bien. Parce que le gothique, ça va cinq minutes, mais pour le boulot, c’est pas ce qu’on attend. »
Delphine haussa les épaules, mi amusée, mi gênée. Ce n’était pas une question d’apparence. Elle avait simplement recadré ses priorités. Mais rien n’était simple.
Monsieur Outiv intervint à son tour :
— « Tu devrais commencer par un boulot de terrain. Serveuse, vendeuse, ce genre de choses. Va à Grand Var, y’a toujours un magasin qui recrute. Ensuite, tu pourras chercher mieux, quelque chose à la hauteur de tes compétences. »
Delphine sourit. Ces conseils sentaient bon le pragmatisme d’enseignants désabusés. Mais elle prit la suggestion au sérieux. L’après-midi même, elle prit un bus direction le centre commercial.
La nuit tombait sur Grand Var. Les néons de la galerie marchande clignotaient, fatigués. Delphine, dans sa veste en simili-cuir, arpentait les couloirs vides, le CV à la main. Les boutiques fermaient les unes après les autres. La dernière lumière encore allumée provenait d’un tabac-presse, coincé entre un magasin de téléphonie et une boutique de bijoux fantaisie.
Elle entra.
Derrière le comptoir, un homme à la silhouette improbable. Grand, maigre à l’excès, les pommettes hautes, les yeux vifs. Il semblait tout droit sorti d’un roman noir des années 50, à la fois hors du temps et d’une étrange modernité. Il réarrangeait un présentoir de bonbons devant une muraille de paquets de cigarettes.
— « Qu’est-ce que je vous sers ? »
— « Rien. Je voudrais postuler. Je m’appelle Delphine Rey. J’ai un Master en chimie et sciences des matériaux. Je cherche un premier emploi. »
L’homme la fixa, sans ciller. Puis esquissa un sourire qui n’atteignait pas ses yeux.
— « Moi, c’est Monsieur Louis. Vous seriez capable de suivre une formation de plusieurs semaines ? »
— « Oui. »
— « Vous connaissez les produits du tabac ? Leur composition ? Leur logique de fabrication ? »
Il tendit un paquet de cigarettes. Delphine l’examina attentivement. Les mentions légales, les additifs, la couche de papier de sécurité, la bande de combustion.
— « Je ne fume pas. Mais je sais exactement ce que signifient ces inscriptions. »
— « Parfait. Revenez lundi avec un CV. On organisera votre formation. »
Elle allait tourner les talons lorsqu’un détail l’intrigua. Une petite fiole posée dans un coin du comptoir, coincée entre des briquets à tête de mort et des chewing-gums à la menthe forte.
Elle la saisit.
— « Et ce produit ? Pourquoi vous le vendez ? »
Monsieur Louis haussa les sourcils, amusé.
— « Du poppers. C’est pour ouvrir les chakras. »
Delphine lut l’étiquette. Minuscule écriture blanche sur fond argenté.
— « C’est un nettoyant pour cuir. »
Il lui adressa un sourire narquois.
— « Exact. Et il faut frotter très fort. À lundi. »
En quittant la boutique, Delphine sentait une sensation étrange lui coller à la peau. Comme si elle venait d’entrer dans une zone grise, une frontière entre le légal et l’inavouable. Monsieur Louis n’était pas un simple buraliste. C’était une énigme.
Elle regarda le flacon dans sa main. Elle le reposa soigneusement, sans rien dire.
Quelque chose venait de commencer.
Chapitre 1 – L’Attente
Chapitre 2 – Le Retour à la Basse Ville
Chapitre 3 – Ce que dissimule le sol
Chapitre 4 – L’ombre ne meurt jamais
Chapitre 5 – Le feu de La Garde
Chapitre 6 – Trois types biens
Chapitre 7 – Déconstructions
Chapitre 8 — L’envers du décor
Chapitre 9 — Les eaux troubles de Saint-Mandrier