QI en chute libre : pourquoi l’effet Flynn s’est-il inversé ?

Il fut un temps, pas si lointain, où chaque génération paraissait plus affûtée que la précédente. Depuis les années 1950, les résultats aux tests de quotient intellectuel (QI) grimpaient régulièrement, soulevant l’enthousiasme d’une société persuadée de progresser sans discontinuer. C’est dans ce contexte d’euphorie cognitive que le chercheur néo-zélandais James R. Flynn formula ce qu’on nommera bientôt « l’effet Flynn ». Mais voilà : en mars 2023, une étude norvégienne menée sur une cohorte de 750 000 jeunes conscrits concluait sans ambages à un recul moyen de 2,5 points de QI par décennie depuis 1995. Une tendance qui ne peut plus être balayée d’un revers de main.

Cette volte-face s’explique par une conjonction de facteurs, dont aucun ne suffit à lui seul : l’évolution des systèmes éducatifs, l’omniprésence des écrans, l’appauvrissement de la lecture, la pollution environnementale ou encore les transformations des structures familiales. Dans ce nouveau théâtre de l’intelligence, les acteurs ont changé de masque : les sciences cognitives interrogent désormais moins l’intelligence pure que la capacité à se conformer à des normes culturelles fluctuantes. Les grandes nations industrialisées, naguère fers de lance du progrès intellectuel, voient leurs performances décliner dans un silence pesant, révélateur d’une inquiétude souterraine.

La brutalité de ce revirement interroge jusqu’au fondement même des politiques éducatives modernes. « On confond trop souvent performance aux tests et véritable acuité intellectuelle », avertit Jean-François Tétart, neuropsychologue à l’INSERM. Les politiques publiques, obsédées par la standardisation des évaluations, ont-elles contribué à cette érosion ? La société numérique, si prompte à valoriser l’instantanéité, aurait-elle relégué la pensée critique au second plan ? Ce basculement soudain n’est pas qu’une affaire d’école : il engage l’orientation de notre civilisation.

« Un recul qui interroge notre modernité »

Qui peut croire que la multiplication des outils numériques, censés élargir nos horizons, ne finit pas par les restreindre ? Que ferait un élève d’aujourd’hui confronté aux exigences mentales d’un jeune adulte des années 1980 ? Pourquoi tolère-t-on sans réaction une baisse continue de nos capacités d’abstraction et de raisonnement logique ? Et surtout : comment expliquer l’indifférence des décideurs devant cette inversion brutale d’une courbe que l’on croyait ascendante et stable ?

En mai 2024, un rapport de l’OCDE soulignait que les jeunes Européens passaient en moyenne 7 heures par jour devant des écrans, sans amélioration corrélée de leurs performances scolaires. Ces chiffres, loin de rassurer, obscurcissent l’horizon au lieu de l’éclairer. Si l’intelligence collective est le levain de toute démocratie, alors la décrue actuelle augure peut-être d’un affaissement plus vaste, plus insidieux, plus alarmant encore. Source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *