Caravanes aux portes de Toulon : liberté ou intrusion territoriale ?

Une cohabitation difficile entre mode de vie nomade et contraintes locales
Rencontre avec un “Français itinérant” en quête de reconnaissance et de respect


Le 29 avril 2025, à l’entrée de Toulon, une dizaine de caravanes se sont installées sur un terrain privé. Cette scène, devenue fréquente dans le sud de la France, alimente tensions, incompréhensions et idées reçues. Cette fois, nous avons décidé d’aller à la rencontre de ceux que l’on nomme — souvent maladroitement — les “Gens du voyage”. En réalité, ce terme ne fait plus consensus. Depuis la suppression du livret de circulation en 2017, l’expression “Français itinérants” est désormais plus appropriée.

Sur place, c’est Guy Demestre, étameur de profession, qui coordonne ce petit convoi familial. Il nous a accueillis pour un entretien franc, loin des caricatures habituelles.

Un besoin permanent de flexibilité

Selon Guy Demestre, le vrai enjeu n’est pas la loi. Il est pratique.
« Trouver un terrain sécurisé pour quelques jours, ce n’est pas du luxe, c’est une nécessité », explique-t-il. Les déplacements sont dictés par plusieurs motifs : travail traditionnel (étamage, rempaillage, marchés), fêtes familiales, rassemblements religieux. Cette diversité rend toute planification difficile, surtout quand les aires officielles sont saturées ou fermées.

La flexibilité est donc vitale. Une dizaine de caravanes ont besoin d’un terrain plat, d’un accès à l’eau, à l’électricité et, idéalement, à des sanitaires. Souvent, faute de mieux, ils s’installent temporairement sur des terrains privés, avec ou sans autorisation.

« On n’est pas là pour squatter, mais pour respirer entre deux destinations », insiste M. Demestre, qui se dit toujours prêt à payer une contribution pour l’occupation des lieux.

Une mobilité difficile à synchroniser avec les institutions

Le rythme administratif ne correspond pas au rythme de la route.
Quand une commune met du temps à répondre, le convoi doit avancer. Une usine désaffectée ou un parking vide peut sembler une solution. Pour une famille mobile, l’attente n’est pas envisageable. D’où l’importance de relations fluides avec les autorités locales.

Mais ces relations sont souvent fragiles. Un changement de municipalité peut faire basculer une situation d’année en année. Là où un accueil avait été bienveillant, l’année suivante tout peut être verrouillé.

Une association locale pour créer du dialogue

À Toulon, l’association Tchatchipen, présidée par Sasha Zanko, travaille à améliorer ces échanges. L’idée est de sortir des tensions en créant des ponts. Guy Demestre salue l’initiative :
« Ils traduisent nos demandes en langage administratif. Nous, on n’a pas toujours les codes. »

Des branchements encadrés et responsables

L’un des points de crispation souvent avancé par les riverains ou propriétaires de terrain, c’est le raccordement sauvage aux réseaux. Là encore, Guy Demestre veut clarifier :
« On n’a aucun intérêt à provoquer un accident. Souvent, on propose un dédommagement. Parfois, on a l’accord de la mairie pour un branchement provisoire sécurisé. »

Des véhicules entretenus, malgré les ZFE

Contrairement aux clichés, les Français itinérants prennent soin de leurs véhicules. « Nos camions, c’est notre maison, notre outil de travail », rappelle M. Demestre.

Avec la montée des Zones à Faibles Émissions (ZFE), la majorité des véhicules est classée Crit’Air 1 ou 2, donc encore autorisée à circuler.

Une fracture numérique en voie de résorption

Internet, téléphones, démarches en ligne : les besoins numériques des itinérants sont comparables à ceux des sédentaires.
Des associations les aident à gérer la domiciliation, les abonnements, les impôts ou la santé.
« Sans adresse, on ne peut rien faire. Alors on trouve des solutions avec des associations relais. »

Mais tout retard administratif peut devenir une catastrophe. Une amende impayée devient rapidement un obstacle insurmontable.

Une tradition vivante depuis six siècles

Le mode de vie itinérant, en France, remonte à plus de 600 ans. Il a toujours fait partie du tissu économique et culturel du pays. M. Demestre insiste :
« On ne demande pas des privilèges. Juste du respect. »

Une cohabitation à repenser

Le témoignage de Guy Demestre montre une réalité bien plus nuancée que celle véhiculée par certains discours alarmistes. Il ne s’agit ni d’un envahissement ni d’un caprice. Il s’agit d’un mode de vie qui cherche sa place dans une société de plus en plus rigide.

Le vivre-ensemble passe par la compréhension. Les Français itinérants ne demandent pas l’impossible, mais l’adaptation minimale pour exercer leur liberté dans la dignité. Une société moderne se juge à sa capacité d’inclusion. Pas à ses exclusions.

De tout temps, de nombreux sédentaires ont accueilli avec joie l’arrivée des itinérants dans leurs villages. Ces derniers venaient pour les vendanges, la cueillette des fleurs, la récolte des fruits, la réparation d’ustensiles ou de mobilier, et la vente de divers produits sur les marchés. Sans oublier les fêtes foraines, qui ont toujours émerveillé les enfants. Sans le mode de vie itinérant, les yeux de nombreux enfants n’auraient jamais brillé.

Et vous, que pensez-vous de la cohabitation avec les itinérants ? Laissez-nous votre avis en commentaire.

Un grand merci à:

  • Guy Demestre, Entretien d’équipements de cuisine / 07 69 65 39 39
  • Sasha Zanko, Président de l’association Tchatchipen / secrétaire de l’angvc
    pour leurs réponses.

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