Pourquoi l’Arabie Saoudite Continue-t-elle d’Appliquer la Peine de Mort ?

L’année 2024 marquera un tournant inquiétant pour les droits humains en Arabie Saoudite. Selon un décompte effectué par l’AFP à partir de données provenant des médias officiels, le royaume a procédé à 198 exécutions cette année, un record jamais atteint depuis plus de trente ans. Ce chiffre dramatique a été renforcé par l’annonce, samedi dernier, de la mort de trois prisonniers supplémentaires, rapportée par l’agence de presse officielle saoudienne.

Cette nouvelle vague d’exécutions rappelle les sombres records de 2022, où 196 personnes avaient été exécutées dans cette monarchie du Golfe. L’ONG Amnesty International, qui suit de près l’évolution de l’application de la peine de mort dans ce pays depuis 1990, a publié des chiffres similaires, dénonçant ce qu’elle qualifie de « folie meurtrière » orchestrée par les autorités saoudiennes.

Pourquoi un tel nombre d’exécutions ?

Le recours à la peine capitale en Arabie Saoudite reste ancré dans une interprétation stricte de la loi islamique (charia), et les autorités du pays continuent de la défendre comme une mesure essentielle pour maintenir l’ordre public. Selon le gouvernement saoudien, ces exécutions n’interviennent qu’après l’épuisement de tous les recours légaux par les condamnés. Pourtant, l’augmentation du nombre de mises à mort en 2024 semble contredire les promesses de réformes faites par le prince héritier, Mohammed ben Salmane.

En effet, en 2022, ce dernier avait affirmé au magazine américain The Atlantic que le royaume avait drastiquement réduit l’usage de la peine de mort, la réservant uniquement aux criminels représentant un danger pour la vie d’autrui. Cependant, les chiffres actuels révèlent une réalité bien différente.

Le rôle des affaires de stupéfiants et de terrorisme

Sur les 198 exécutions enregistrées en 2024, 52 concernaient des affaires liées aux stupéfiants, tandis que 32 condamnés ont été exécutés pour des crimes de terrorisme, selon les données officielles. Cette recrudescence de peines de mort dans les affaires de drogue est un élément majeur de la hausse des exécutions. Déjà en septembre, un collectif de 31 organisations de défense des droits humains, tant arabes qu’internationales, avait vivement dénoncé cette tendance.

La question de la peine capitale pour des infractions liées aux stupéfiants avait déjà été soulevée en 2022 par les Nations Unies, qui avaient appelé Riyad à cesser cette pratique pour ce type de crimes. Selon ces organismes, la peine de mort pour des délits non violents, tels que les infractions relatives à la drogue, va à l’encontre des principes des droits de l’homme.

Une image réformiste en contradiction ?

Depuis quelques années, l’Arabie Saoudite tente de remodeler son image internationale. Le prince héritier, en particulier, s’efforce de projeter une image de modernité à travers des réformes économiques et sociales majeures, comme le plan Vision 2030, qui vise à diversifier l’économie du pays et à réduire sa dépendance au pétrole. Cependant, l’augmentation continue des exécutions contraste fortement avec ces efforts, provoquant des critiques acerbes de la part de la communauté internationale.

Les groupes de défense des droits de l’homme considèrent que le recours excessif à la peine capitale ne fait que renforcer le fossé entre l’image que Riyad cherche à afficher et la réalité sur le terrain. Loin de symboliser une modernisation du pays, ces exécutions massives rappellent que l’Arabie Saoudite reste un des États appliquant la peine de mort de manière quasi systématique, et ce malgré les appels à réformer son système judiciaire.

Quelle évolution pour la peine de mort en Arabie Saoudite ?

La situation en 2024 marque un retour en force des exécutions, particulièrement après la baisse temporaire observée en 2020, lorsque le pays semblait adopter une approche plus mesurée. Le pic actuel relance les débats sur l’application de la peine de mort dans des cas non-violents, comme ceux liés aux stupéfiants, et questionne la sincérité des réformes annoncées par Mohammed ben Salmane.

Malgré les critiques internationales, notamment celles d’Amnesty International et des Nations Unies, il semble que l’Arabie Saoudite ne soit pas prête à abandonner la peine capitale de sitôt. Les autorités saoudiennes restent fermement attachées à l’idée que ces peines sont indispensables pour maintenir l’ordre dans le royaume. Pourtant, cette rigidité pourrait nuire à l’image réformiste que Riyad tente de projeter sur la scène internationale.

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