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Réforme du Code de la famille au Maroc : vers une égalité réelle ou un compromis imparfait ?

Héritage : des femmes encore laissées-pour-compte.

Mariage des mineures, polygamie et héritage : des avancées mitigées

Le gouvernement marocain a présenté cette semaine une proposition de réforme du Code de la famille, ou « Moudawana ». Parmi les thèmes abordés : le mariage des mineures, la polygamie et l’accès à l’héritage. Si ces propositions suscitent des espoirs en matière d’égalité entre hommes et femmes, elles laissent aussi un goût d’inachevé aux associations féministes.

Une révision attendue depuis deux ans

Deux ans de consultations et de discussions ont été nécessaires pour aboutir à cette réforme, présentée le 24 décembre par le ministre de la Justice Abdelatif Ouahbi devant le roi Mohammed VI au Palais royal de Casablanca. L’objectif affiché : concilier égalité des sexes et préservation des valeurs familiales, dans une société marocaine en pleine mutation. Cependant, le texte doit encore franchir les étapes du processus législatif.

Mariage des mineures : un cadre plus strict, mais perfectible

Actuellement, l’âge légal du mariage est fixé à 18 ans. Toutefois, des dérogations permettent aux juges d’autoriser le mariage de mineures dès 15 ans. La réforme propose de relever cet âge minimal à 17 ans. Une avancée, certes, mais insuffisante pour Ghizlane Mamouni, avocate et présidente de l’association Kif Mama Kif Baba : « Nous appelons à une interdiction totale du mariage des mineures. Les dérogations entretiennent un système qui pérennise les inégalités.»

Tutelle parentale : un pas vers l’égalité, mais des zones d’ombre

La réforme prévoit de partager la tutelle des enfants entre les deux parents, même en cas de divorce. Actuellement, seule l’autorisation du père est nécessaire pour prendre des décisions juridiques concernant l’enfant. Cette mesure est accueillie favorablement par les militants, mais sa mise en œuvre inquiète. « Si les décisions doivent être validées par les deux parents, cela pourrait renforcer le contrôle pérennisé par l’autorité paternelle, au lieu de l’équilibrer,» alerte Mamouni.

Héritage : des réformes qui laissent un goût d’inachevé

L’épineuse question de l’héritage reste une pierre d’achoppement. Actuellement, les femmes héritent de la moitié de la part attribuée aux hommes. La réforme ne modifie pas ce principe, mais propose d’assouplir les donations en faveur des femmes, y compris mineures. Une mesure jugée insuffisante par les militants : « Ces donations étaient déjà possibles. Nous attendions une véritable égalité dans l’héritage,» regrette Mamouni.

Polygamie : une pratique restreinte, mais toujours autorisée

La polygamie, bien que déclinante, reste permise sous certaines conditions. La réforme propose de limiter cette pratique en exigeant l’accord de l’épouse dans le contrat de mariage. Cependant, pour les unions existantes, les juges pourront encore autoriser une seconde union en cas de stérilité ou de maladie de la première épouse. « Cela viole le secret médical et perpétue des logiques archaïques,» dénonce Mamouni.

Entre tradition et modernité : un équilibre fragile

La réforme du Code de la famille illustre les tensions entre un référentiel religieux et les droits humains universels inscrits dans les traités internationaux signés par le Maroc. Le roi Mohammed VI a appelé le Conseil supérieur des Oulémas à approfondir leur réflexion sur ces questions. En attendant un texte détaillé, les débats restent ouverts.

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