Retraites : Un million d’anciens TUC exclus du dispositif « carrière longue », une injustice ignorée ?

Les oubliés des années 1980-1990 demandent justice après l’échec de la reconnaissance de leurs contrats aidés dans la réforme des retraites.

La réforme des retraites, avec son recul de l’âge de départ à 64 ans, a laissé sur le bord de la route des milliers de travailleurs ayant participé à des contrats aidés, notamment les Travaux d’Utilité Collective (TUC) des années 1980-1990. Ces contrats, mis en place dans le cadre du « traitement social du chômage », étaient censés fournir aux jeunes en difficulté une porte d’entrée sur le marché du travail tout en répondant aux besoins d’associations locales. Cependant, ces années de travail n’ont, pour beaucoup, pas été comptabilisées pour leur retraite.

Le coup dur des décrets d’application de la réforme

Alors que la mission flash menée en 2022 par les députés Paul Christophe (Horizons) et Arthur Delaporte (PS) avait ouvert la voie à une reconnaissance de ces années, les décrets d’application publiés en août 2023 ont brisé cet espoir pour des milliers de personnes. En effet, si les années passées en contrat aidé sont désormais comptabilisées dans les 43 annuités nécessaires à l’obtention d’une retraite à taux plein, elles sont classées comme trimestres « assimilés » et non « cotisés ». Cette subtilité administrative empêche les anciens TUC de bénéficier du dispositif de « carrière longue », leur imposant d’attendre 64 ans pour partir à la retraite, même s’ils ont commencé à travailler dès 16 ans.

Une génération oubliée dans la réforme

Entre 1984 et 1990, des milliers de jeunes de 16 à 25 ans se sont vus proposer ces contrats précaires, rémunérés à hauteur de ce qui équivaudrait aujourd’hui à 350 euros par mois. Loin du SMIC de l’époque, ces contrats représentaient cependant une chance pour ces jeunes d’intégrer la vie active et d’acquérir de l’expérience. Pourtant, au moment de faire valoir leurs droits à la retraite, ces anciens travailleurs se sont aperçus que leurs années en TUC ne valaient aucun trimestre. Le choc est d’autant plus grand qu’un collectif, nommé « TUC-les Oubliés de la Retraite », mène depuis quatre ans un combat pour que ces années soient reconnues.

Yves Coussement, trésorier du collectif, dénonce : « Plus de 70 % de nos adhérents étaient en contrat entre 16 et 20 ans. Aujourd’hui, près d’un million de personnes se retrouvent face à cette injustice. C’est inacceptable que leurs années passées à travailler pour l’intérêt général ne soient pas comptabilisées correctement. »

Une décision technique ou une volonté d’économie ?

La situation de ces anciens TUC soulève des questions plus larges. Est-ce une simple erreur technique ou une volonté délibérée d’économie budgétaire ? Selon la mission flash de 2022, l’intégration complète des années de contrats aidés dans le calcul des retraites aurait coûté entre 350 millions et 3,5 milliards d’euros, avec un pic estimé entre 25 et 250 millions d’euros en 2030. Ce coût aurait pu peser lourdement sur les finances publiques, en pleine refonte du système des retraites. Mais pour les personnes concernées, cette justification budgétaire ne fait qu’accentuer le sentiment d’injustice.

« On a travaillé, on a donné de notre temps et de notre énergie. Pourquoi nos années ne comptent-elles pas alors que d’autres ayant fait des stages en entreprise sont reconnus ? » s’interroge une ancienne TUC, membre du collectif.

Quel avenir pour les oubliés des TUC ?

Face à cette situation, le collectif ne compte pas baisser les bras. De nouveaux recours sont envisagés pour pousser le gouvernement à corriger cette anomalie. Toutefois, la bataille s’annonce difficile. Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, avait inclus un article dans la réforme des 64 ans pour tenter de réparer ce scandale, mais les récentes décisions montrent que les efforts sont encore insuffisants.

Le temps presse pour ces travailleurs qui approchent de l’âge de la retraite. Si la réforme des retraites a permis des avancées, comme la prise en compte de certains trimestres, la route est encore longue pour que justice leur soit rendue. Le sort des TUC semble cristalliser une fois de plus les fractures du système de protection sociale en France, où les mesures d’exception se heurtent aux réalités administratives et budgétaires.

Source 1

Source 2

Source 3

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *