L’accord de 30×30 : une promesse encore loin d’être tenue
En 2022, à Montréal, plus de 190 pays se sont engagés à protéger 30 % des terres et des océans d’ici 2030. Pourtant, deux ans après cet accord crucial pour la biodiversité, seuls 33 pays ont soumis leur plan pour atteindre cet objectif ambitieux. La COP16, qui se tient cette année à Cali, en Colombie, est un moment clé pour évaluer la concrétisation de ces engagements.
Qu’est-ce que la COP16 ?
La COP16 est la Conférence des Parties sur la biodiversité, où environ 14 000 participants, parmi lesquels des dirigeants et ministres du monde entier, se rassemblent pour discuter des avancées réalisées depuis l’accord Kunming-Montréal. Cet accord est souvent comparé à l’Accord de Paris sur le climat pour son importance dans la lutte contre le déclin de la biodiversité.
L’objectif est de protéger 30 % des terres et des océans d’ici 2030 — un engagement surnommé « 30×30 ». Toutefois, cet objectif n’est qu’un des 23 points de l’accord Kunming-Montréal. Parmi les autres mesures prévues, on retrouve la restauration des écosystèmes dégradés, la protection des espèces en danger, et la réduction de l’usage des pesticides.
Pourquoi la COP16 est cruciale ?
Deux ans après Montréal, l’urgence est palpable. La biodiversité mondiale continue de se dégrader à une vitesse alarmante, exacerbée par les changements climatiques. La COP16 doit permettre de passer des promesses à l’action. Cependant, le bilan actuel est préoccupant : seul un tiers des pays a soumis un plan pour atteindre les objectifs fixés en 2022.
Crystal Davis, directrice de programme au World Resources Institute (WRI), a exprimé son inquiétude face à ce retard : « À première vue, ça augure mal », dit-elle. Des pays comme la Russie, l’Inde, et même la Colombie, hôte de la COP16, n’ont toujours pas présenté de plan. Pendant ce temps, des nations comme le Canada, le Mexique et la France ont déjà soumis leurs stratégies.
Les États-Unis, toujours en retrait
Un autre sujet sensible à la COP16 est l’absence des États-Unis dans la Convention sur la diversité biologique. Bien qu’ils participent aux discussions, ils n’ont pas ratifié l’accord et ne sont donc pas contraints par les décisions prises. Washington a cependant promis de respecter les objectifs sans obligation formelle, ce qui crée un déséquilibre potentiel entre les pays engagés et ceux qui ne le sont pas.
Les ressources financières : le nerf de la guerre
La question du financement reste au centre des débats à Cali. Lors de la COP15, il a été convenu que les pays mobiliseraient 200 milliards de dollars par an pour protéger la biodiversité d’ici 2030, avec une première échéance de 20 milliards par an dès 2025. Or, à ce jour, peu de pays ont concrètement contribué à ces fonds. Le déficit de financement mondial est estimé à 700 milliards de dollars par an, un écart gigantesque à combler dans un délai relativement court.
En parallèle, le cadre mondial pour la biodiversité appelle également à réorienter les subventions néfastes pour la nature. Cela implique de rediriger 500 milliards de dollars américains par an d’ici 2030 vers des actions respectueuses de l’environnement. Ces subventions pourraient, par exemple, être utilisées pour promouvoir des pratiques agricoles plus durables.
Qu’en est-il du Canada ?
Le Canada, qui a joué un rôle de premier plan lors des négociations à Montréal, a dévoilé en 2023 un plan ambitieux pour protéger sa biodiversité. D’ici 2030, le pays s’engage à protéger 13,7 % de ses terres et de ses eaux douces, ainsi que 14,7 % de ses milieux marins. Toutefois, pour atteindre ces objectifs, des financements conséquents doivent encore être mobilisés.
Suivi et reddition de comptes : la clé du succès ?
Une autre grande question qui sera discutée à la COP16 concerne la reddition de comptes. Sans mécanisme de suivi, comment s’assurer que les objectifs de biodiversité ne seront pas oubliés ? Cali doit établir un système robuste pour suivre les progrès réalisés par les pays. Cela inclut la surveillance des territoires protégés, mais aussi la qualité des écosystèmes. Comme l’explique Crystal Davis du WRI, protéger un territoire ne suffit pas si les efforts de conservation ne sont pas appliqués sur le terrain.

Partage équitable des bénéfices issus de la biodiversité
Un autre enjeu clé de la COP16 est la manière dont les bénéfices tirés de la biodiversité, comme les médicaments ou les ressources génétiques, sont partagés. Le Protocole de Nagoya, adopté en 2010, stipule que les pays doivent obtenir le consentement des communautés locales avant de profiter des ressources naturelles. Mais avec les avancées technologiques, il est de plus en plus facile d’accéder à ces informations à distance, ce qui complique la régulation.
La présidente de la COP16, la ministre colombienne de l’Environnement Susana Muhamad, espère que des progrès significatifs seront réalisés dans ce domaine. Les discussions porteront notamment sur la mise en place d’un mécanisme pour rémunérer les pays fournissant des ressources génétiques, même lorsqu’elles sont accessibles en ligne.