Un futur sous pavillon américain pour le médicament préféré des Français ?
La vente de la branche de médicaments grand public de Sanofi, notamment le Doliprane, à un fonds d’investissement américain soulève de vives inquiétudes. Malgré les critiques, le gouvernement français semble hésiter à prendre des mesures pour bloquer cette opération, soulevant des questions sur l’avenir de la souveraineté sanitaire de la France.
L’exécutif tente de rassurer… mais à quel prix ?
Le 14 octobre, le ministre de l’Économie, Antoine Armand, et le ministre délégué à l’Industrie, Marc Ferracci, se sont rendus à l’usine Sanofi de Lisieux (Calvados). Leur objectif ? Tenter de calmer les craintes autour de cette vente controversée. En effet, Opella, la branche de produits grand public de Sanofi, qui inclut le célèbre Doliprane, pourrait bientôt passer sous le contrôle d’un fonds américain. Une situation préoccupante, surtout lorsque l’on se souvient des pénuries de médicaments et autres équipements médicaux durant la pandémie de Covid-19.
Souveraineté sanitaire : un enjeu plus que jamais d’actualité
L’antidouleur à base de paracétamol, omniprésent dans les foyers français, pourrait ainsi devenir un symbole de la dépendance croissante de la France envers des investisseurs étrangers. Cette dépendance pourrait engendrer de nouvelles pénuries, comme celles vécues lors de la crise sanitaire. En effet, l’un des principaux enseignements de la pandémie de Covid-19 fut la fragilité de la chaîne d’approvisionnement en produits de santé, illustrée notamment par l’épisode où les États-Unis avaient réquisitionné une commande de masques initialement destinée à la France.
Face à cette menace, la sénatrice communiste Cathy Apourceau-Poly relance le débat sur la nécessité de créer un pôle public du médicament. Selon elle, cette structure permettrait à la France de reprendre le contrôle sur la production de médicaments essentiels, tout en évitant que ces produits ne soient soumis aux logiques spéculatives du marché.
Vers un pôle public du médicament ?
Le projet d’un pôle public du médicament n’est pas nouveau. Dès 2020, le groupe communiste au Sénat avait déposé une proposition de loi visant à soustraire la production pharmaceutique aux logiques financières. Ce projet, soutenu par une partie de la gauche française, revient aujourd’hui sur le devant de la scène avec l’affaire de la cession du Doliprane.
Pour Cathy Apourceau-Poly, cette vente soulève une question centrale : la France doit-elle continuer à laisser ses entreprises pharmaceutiques être rachetées par des intérêts étrangers ? Elle estime qu’un pôle public du médicament permettrait à la France de maintenir son autonomie et d’assurer un accès égalitaire aux médicaments pour tous les citoyens. « Les produits pharmaceutiques doivent sortir de la logique de marché », explique la sénatrice, qui craint que la spéculation financière n’entraîne une flambée des prix et des pénuries pour les médicaments les plus essentiels.
Le Doliprane, un symbole en péril ?
Le Doliprane est plus qu’un simple médicament en France. C’est un produit de première nécessité dans la plupart des foyers. Ainsi, la vente de ce médicament à un fonds américain inquiète non seulement pour des raisons économiques, mais aussi pour des raisons symboliques. Comment la France peut-elle envisager de perdre le contrôle de la production de son médicament le plus consommé ? Le ministre de l’Économie, Antoine Armand, a laissé entendre qu’il pourrait bloquer la vente si la production du Doliprane n’était pas maintenue en France. Mais cette intervention sera-t-elle suffisante pour protéger ce fleuron de l’industrie pharmaceutique française ?
Le site de production de Sanofi à Lisieux bénéficie chaque année de millions d’euros en crédits d’impôt pour soutenir la recherche et le développement. Cependant, Sanofi semble davantage intéressé par la rentabilité financière que par la préservation de l’emploi et du savoir-faire en France. La vente de sa branche grand public risque donc d’entraîner des suppressions de postes, jetant des travailleurs qualifiés sur le marché du chômage.
Les précédents : la fermeture de Synthexim à Calais
La situation actuelle rappelle tristement la fermeture de l’usine pharmaceutique Synthexim à Calais, en mars dernier. Là encore, des centaines de salariés ont perdu leur emploi, et la France a perdu une nouvelle unité de production de médicaments. Si ces fermetures continuent, la France sera de plus en plus dépendante des importations pour ses médicaments, ce qui pourrait se traduire par une hausse des prix et une moindre disponibilité des traitements.
Que fait le gouvernement pour sauver la production française ?
Face à cette situation, Cathy Apourceau-Poly appelle le gouvernement à agir plus fermement pour protéger les emplois et la production nationale. Selon elle, bloquer la vente d’Opella serait un premier pas pour préserver la souveraineté industrielle et sanitaire de la France. « On ne peut pas continuer à subventionner des entreprises qui sacrifient l’emploi français au profit de leurs actionnaires », affirme-t-elle. En effet, Sanofi bénéficie de financements publics importants, mais continue à réduire sa masse salariale et à délocaliser une partie de ses activités.
Le gouvernement, de son côté, semble hésitant à prendre des mesures radicales. Si Antoine Armand a évoqué la possibilité de bloquer la vente, d’autres membres de l’exécutif semblent plus prudents, craignant de ternir l’image de la France comme destination attractive pour les investisseurs étrangers.