Crise des opioïdes : McKinsey paie 650 millions pour éviter un procès, mais à quel prix ?

Un accord historique pour un scandale sanitaire majeur

Le cabinet de conseil McKinsey & Company a accepté de verser 650 millions de dollars dans le cadre d’un accord de poursuites différées (DPA) avec le gouvernement américain. Cet accord, déposé devant un tribunal fédéral de Virginie, vise à clore des poursuites pénales pour son implication dans la crise des opioïdes, un fléau qui a causé la mort de plus de 800 000 personnes aux États-Unis depuis 1999.

Un rôle controversé dans la crise des opioïdes

McKinsey est accusé d’avoir conspiré avec Purdue Pharma, le fabricant de l’antidouleur OxyContin, pour maximiser les ventes de ce médicament. Selon les documents judiciaires, le cabinet a élaboré des stratégies marketing agressives, notamment un programme surnommé « TurboCharge », pour stimuler les ventes de dosages élevés, connus pour leur fort potentiel addictif.

En outre, un haut responsable de McKinsey aurait détruit des documents cruciaux afin d’entraver les enquêtes. Ces actions, combinées à des conseils stratégiques controversés, ont contribué à alimenter une crise de santé publique sans précédent.

Une responsabilité assumée sous pression

Dans un communiqué, McKinsey a exprimé ses regrets profonds : « Nous sommes désolés des services que nous avons fournis à Purdue Pharma et des actes d’un ancien responsable ayant détruit des documents. » Le cabinet a également souligné avoir cessé toute collaboration avec des entreprises impliquées dans la conception ou la vente d’opioïdes.

Chris Cavanaugh, procureur général de Virginie, a salué cet accord comme une avancée majeure : « C’est la première fois qu’un cabinet-conseil est tenu pénalement responsable d’avoir contribué à un crime par ses conseils. »

Une facture salée pour McKinsey

Les 650 millions de dollars représentent 85 fois les honoraires perçus par le cabinet pour ses prestations auprès de Purdue Pharma. Cet accord met fin à cinq années de surveillance judiciaire, mais il soulève des questions sur la responsabilité éthique des consultants dans les crises sanitaires.

L’étendue du fléau des opioïdes

Selon les Centres de prévention et de lutte contre les maladies (CDC), plus de 700 000 personnes sont mortes d’une surdose d’opioïdes entre 1999 et 2022. La surprescription de l’OxyContin a été identifiée comme un facteur déclencheur de cette épidémie, qui s’est ensuite aggravée avec l’arrivée du fentanyl, un opioïde de synthèse extrêmement puissant.

Pour la première fois depuis 2018, le nombre de décès liés aux opioïdes a légèrement diminué en 2023, offrant une lueur d’espoir dans cette crise de santé publique.

Purdue Pharma et les Sackler au centre du scandale

Purdue Pharma, le laboratoire à l’origine de l’OxyContin, s’est déclaré en faillite en 2019. Son plan de restructuration prévoyait la création d’une nouvelle entité et le paiement de 5,5 milliards de dollars sur 18 ans. Cependant, la Cour suprême des États-Unis a rejeté ce plan en juin 2023, estimant qu’il offrait une immunité excessive à la famille Sackler, propriétaire de Purdue.

Les Sackler sont accusés d’avoir sciemment promu l’OxyContin tout en dissimulant ses risques addictifs. Cette stratégie leur aurait rapporté des dizaines de milliards de dollars, mais au prix d’une catastrophe humaine et sociale.

Des responsabilités partagées

Outre Purdue Pharma, de grands distributeurs de médicaments comme CVS, Walgreens et Walmart ont également été poursuivis pour leur rôle dans la crise. Une filiale du groupe français Publicis a été impliquée pour avoir participé à la promotion de l’OxyContin.

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