Depuis 2022, une dérogation permet aux salariés français d’utiliser leurs tickets restaurant pour acheter des produits alimentaires en supermarché. Cette mesure, instaurée dans un contexte d’inflation galopante, a soulagé de nombreux foyers, mais elle pose problème à une partie des restaurateurs, dont l’activité en pâtit. Alors que la fin de la dérogation était initialement prévue pour décembre 2022, celle-ci a été prolongée à plusieurs reprises et pourrait bien l’être à nouveau jusqu’en 2025. Mais combien de temps cette aubaine pour les salariés sera-t-elle maintenue ?
Une dérogation aux conséquences partagées
La dérogation, introduite pour soutenir le pouvoir d’achat des Français, permet d’utiliser les tickets restaurant dans les grandes surfaces pour des achats alimentaires. Une véritable bouffée d’air pour les consommateurs, qui ont vu leur budget alimentaire réduit en raison de l’inflation. Mais pour les restaurateurs, cette mesure a eu des effets délétères. Selon l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), les parts de marché des grandes surfaces ont bondi de 8,4 points depuis la mise en place de la dérogation, tandis que celles des restaurateurs ont chuté de 6,4 points sur la même période. Ce recul représente un manque à gagner de 576 millions d’euros pour les restaurateurs, contre un transfert de 756 millions d’euros au profit de la grande distribution.
Le syndicat UMIH a exprimé son inquiétude dans un communiqué publié le 24 septembre : « Ce transfert de valeur met en péril les petits restaurateurs, qui dépendent de ces tickets pour assurer une partie de leur chiffre d’affaires. »
Une inflation en baisse, des tensions qui persistent
Lorsque l’inflation atteignait des sommets en 2022, la dérogation était vue comme une nécessité pour soulager les foyers modestes. Mais alors que l’inflation ralentit, passant sous la barre des 2 % pour 2024 selon les prévisions, les restaurateurs appellent désormais à la fin de cette mesure exceptionnelle. Ils estiment qu’elle « dévoie » l’objectif initial des tickets restaurant, qui devaient servir à financer les repas pris à l’extérieur, plutôt que les courses alimentaires.
Du côté des salariés, le soutien à cette dérogation reste massif. Un sondage publié au printemps dernier montre que 96 % des bénéficiaires souhaitent que la dérogation soit maintenue. Parmi eux, 36 % utilisent leurs tickets principalement en supermarché, contre 34 % pour des repas au restaurant. Ce qui laisse peu de doute quant à l’utilité perçue de cette flexibilité.
Un compromis en vue : vers un plafond révisé ?
Face à cette situation tendue entre restaurateurs et consommateurs, le gouvernement envisage de maintenir la dérogation, mais en instaurant un plafond d’utilisation différencié. Le seuil de 25 euros par jour serait conservé pour les repas au restaurant, mais un plafond plus bas serait introduit pour les achats en supermarché. Cette réforme permettrait de répondre à la demande des restaurateurs, tout en continuant d’offrir aux salariés une certaine flexibilité.
Ce compromis semble être la solution privilégiée par l’exécutif, qui veut éviter de mécontenter l’une ou l’autre partie. Cependant, rien n’est encore acté. Il reste à voir si cette proposition sera suffisante pour calmer les tensions qui continuent de croître dans le secteur de la restauration, ou si le débat autour de l’usage des tickets restaurant s’intensifiera dans les mois à venir.

Une réforme aux impacts à surveiller
La mise en place de ce nouveau plafond pourrait avoir des effets immédiats sur le secteur de la restauration. Les restaurateurs espèrent un retour progressif de leurs clients, tandis que les consommateurs, eux, redoutent une perte de pouvoir d’achat. Si la dérogation a été saluée lors de son introduction, elle montre désormais ses limites, tant en termes économiques qu’en matière de soutien aux secteurs fragilisés par la crise sanitaire et la flambée des prix.
Le maintien ou non de cette mesure d’exception aura un impact majeur sur l’équilibre entre les secteurs de la distribution alimentaire et de la restauration, ainsi que sur la gestion des budgets des ménages français.