Réforme judiciaire au Mexique : les manifestants bloquent le Sénat, une crise démocratique en perspective ?


Des manifestants envahissent le Sénat mexicain : quel avenir pour la réforme judiciaire ?

Mardi, plusieurs centaines de manifestants ont envahi le siège du Sénat à Mexico, marquant une nouvelle étape dans l’opposition à la réforme judiciaire controversée proposée par le président sortant Andrés Manuel Lopez Obrador. Cette réforme vise à instaurer un système inédit où les juges, y compris ceux de la Cour suprême, seraient élus au suffrage universel. Une initiative qui suscite de vives tensions, non seulement au Mexique, mais aussi à l’international.

« Sénateurs, arrêtez le dictateur ! »

Les manifestants, composés de fonctionnaires de justice en grève et d’étudiants en droit, ont réussi à pénétrer dans l’hémicycle, drapeaux mexicains en main, après avoir franchi les barrières de sécurité. Leurs slogans, tels que « Sénateurs, arrêtez le dictateur » et « Le pouvoir judiciaire ne tombera pas », ont résonné dans les murs du Sénat, forçant le président de cette assemblée, Gerardo Fernandez Noroña, à suspendre temporairement la session.

Dans une déclaration faite peu après, Fernandez Noroña a annoncé que la session reprendrait à 19h, heure locale, dans l’ancien siège du Sénat, tout en affirmant que « la réforme du pouvoir judiciaire aura lieu ».

Une réforme inédite qui divise profondément

L’initiative de López Obrador, visant à transformer radicalement le système judiciaire mexicain en permettant l’élection de tous les juges, y compris ceux de la Cour suprême, par un vote populaire, est perçue par ses partisans comme une réponse nécessaire à une justice jugée « corrompue et élitiste ». Toutefois, pour ses détracteurs, cette réforme met en péril l’indépendance judiciaire et ouvre la porte à des pressions politiques et criminelles sans précédent.

Les opposants à cette réforme, y compris des partis comme le PAN, le PRI et le Mouvement Citoyen, s’inquiètent du risque de fragilisation de l’État de droit et de l’augmentation de l’influence du crime organisé sur le pouvoir judiciaire. « Nous nous battrons jusqu’au bout pour empêcher cet outrage à la République et à la démocratie », a déclaré Alejandra Barrales, sénatrice du Mouvement Citoyen.

Une réforme sous tension internationale

La réforme judiciaire génère également des tensions avec les États-Unis, premier partenaire commercial du Mexique. Washington perçoit cette réforme comme une menace pour la démocratie mexicaine et un danger pour les relations commerciales bilatérales, d’autant que le Mexique a récemment surpassé la Chine en tant que principal partenaire commercial des États-Unis.

La rapporteuse spéciale des Nations unies sur l’indépendance des juges et des avocats, Margaret Satterthwaite, a exprimé ses inquiétudes quant aux risques d’infiltration du crime organisé dans le processus de sélection des juges, mettant en garde contre un système électoral vulnérable à des influences extérieures.

« Justice corrompue » ou « défense des privilèges » ?

Le président sortant López Obrador, qui cèdera sa place à Claudia Sheinbaum, issue de son propre parti, le 1er octobre, a longtemps dénoncé le système judiciaire mexicain comme étant « corrompu » et au service des élites économiques, tandis que plus de 90 % des crimes restent impunis dans le pays, selon les ONG. « Ce qui inquiète ceux qui sont contre cette réforme, c’est qu’ils vont perdre leurs privilèges », a-t-il affirmé.

Cependant, cette réforme a provoqué une chute notable du peso mexicain, atteignant son niveau le plus bas en deux ans face au dollar, alimentée par des inquiétudes des investisseurs sur la stabilité politique et économique du Mexique.

Vers un bras de fer au Sénat

Alors que la réforme a déjà été approuvée par la Chambre basse, la situation au Sénat reste incertaine. Selon les observateurs, il manquerait une voix au parti présidentiel et à ses alliés pour faire adopter cette réforme. Ce bras de fer politique, doublé d’une pression populaire croissante, augure des jours difficiles pour les institutions mexicaines.

La présidente de la Cour suprême, Norma Piña, a averti que cette « démolition du système judiciaire » n’était pas la voie à suivre, tandis que López Obrador a averti que tout blocage de la réforme serait une violation de la Constitution.

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