Deux bandes dessinées retracent l’affaire Grégory : histoires croisées ou regards divergents ?

Quarante ans après la découverte du corps de Grégory Villemin dans la Vologne, deux bandes dessinées revisitent l’un des faits divers les plus marquants de l’histoire criminelle française. Publiées presque simultanément, « Grégory » et « Le Corbeau » offrent des regards distincts sur cette affaire, entre immersion intime et enquête factuelle. Ces œuvres explorent le drame sous des angles différents, illustrant la complexité d’une histoire qui hante encore la mémoire collective.

« Grégory » : une plongée dans l’intime

La bande dessinée Grégory, parue le 3 octobre aux éditions Les Arènes, s’éloigne de la simple chronique judiciaire pour raconter avant tout une histoire de famille. Préfacée par Jean-Marie Villemin, père du petit Grégory, l’œuvre repose sur des échanges approfondis entre le scénariste Pat Perna et la famille Villemin. Deux années de travail ont été nécessaires pour mener à bien ce projet, marquées par une immersion dans les Vosges et une collaboration directe avec Jean-Marie, qui s’exprime pour la première fois depuis 18 ans.

la bande dessinée grégory
la bande dessinée grégory

Dans sa préface, Jean-Marie Villemin confie toute la douleur qu’il porte encore, revenant sur les conséquences dévastatrices de la perte de son fils. « Nous étions perdus, sans soutien, ballottés par une justice erratique », écrit-il. Son témoignage met en lumière la souffrance d’un père et l’épreuve familiale qui a suivi le meurtre. L’œuvre, dessinée par Christophe Gaultier, retrace le quotidien de la famille Villemin avant et après le drame, utilisant des flashbacks pour illustrer les moments de bonheur brisés par l’horreur.

Une œuvre de « true crime » intimiste

Contrairement à une approche purement factuelle, cette BD se concentre sur l’amour qui unissait Jean-Marie, sa femme Christine et leur fils Grégory. Plutôt qu’un simple retour sur les événements de 1984, Grégory aspire à raconter la tragédie sous un prisme humain et émotionnel. La scénarisation, tout en respectant les faits, se concentre sur la relation familiale et les dilemmes moraux qui ont marqué l’histoire personnelle de Jean-Marie Villemin. L’assassinat de son cousin Bernard Laroche, qu’il avoue regretter profondément, constitue un moment clé de la narration, révélant la douleur et le poids de la culpabilité qu’il porte encore.

la bande dessinée le corbeau
la bande dessinée le corbeau

« Le Corbeau » : une enquête décryptée pas à pas

De son côté, la bande dessinée Le Corbeau, publiée le 2 octobre aux éditions Petit à Petit, opte pour une approche plus documentaire. Scénarisée par Tristan Houllemare et Béatrice Merdrignac, et illustrée par Grégory Lé, cette œuvre se penche minutieusement sur l’enquête entourant la mort de Grégory. En adoptant le style du « true crime », elle déroule chronologiquement les éléments clés de l’affaire, en partant de la découverte du corps dans la rivière Vologne jusqu’aux derniers rebondissements judiciaires.

Une enquête décryptée avec rigueur

Le Corbeau offre aux lecteurs un regard précis sur l’enquête, se focalisant sur les faits avérés et les éléments matériels de l’affaire. L’œuvre propose des cartes géographiques, des arbres généalogiques et des reproductions de lettres anonymes pour illustrer le labyrinthe que constitue cette affaire judiciaire. Les chapitres, découpés en dates clés, permettent de suivre l’enchaînement des événements, notamment l’interpellation de Murielle Bolle ou encore le suicide tragique du juge Jean-Michel Lambert. Chaque élément est méticuleusement décortiqué, offrant une vision d’ensemble de l’affaire Villemin.

Des pistes encore ouvertes

Si Le Corbeau plonge au cœur de l’enquête, il rappelle aussi que l’affaire est toujours ouverte. En mars dernier, la justice a ordonné de nouvelles expertises à la demande des Villemin, dans l’espoir d’authentifier enfin la voix du mystérieux corbeau qui revendiquait le meurtre. Cette bande dessinée, bien que rigoureusement factuelle, invite à la réflexion sur la complexité d’un dossier qui, quatre décennies plus tard, continue de susciter l’intérêt et les spéculations.

Deux œuvres, deux perspectives complémentaires

Loin de se faire concurrence, Grégory et Le Corbeau s’avèrent complémentaires. Alors que Grégory nous plonge dans l’intimité d’une famille dévastée, Le Corbeau retrace avec précision l’enquête tentaculaire. Chacune de ces œuvres permet d’appréhender l’affaire Villemin sous un jour différent, qu’il soit émotionnel ou factuel. Ces deux bandes dessinées témoignent d’une volonté de garder vivante la mémoire de ce drame tout en poursuivant la quête de vérité.

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