
Il est difficile de ne jamais avoir entendu parler de Breaking Bad, la série américaine multi-primée lancée en 2008 par Vince Gilligan. Si elle a marqué l’histoire de la télévision, c’est bien pour ses qualités exceptionnelles, tant au niveau de sa réalisation que de son scénario. À la fois captivante et complexe, cette œuvre mérite d’être vue et revue, et voici pourquoi.
Une création artistique soignée
Dès les premiers instants, Breaking Bad se distingue par une réalisation méticuleuse. Loin des séries formatées, elle accorde une attention particulière à chaque détail esthétique. Les couleurs, par exemple, jouent un rôle essentiel dans la narration visuelle. Le vert omniprésent autour de Walter White symbolise sa quête de richesse, tandis que les tons sombres et contrastés définissent l’univers de Jesse Pinkman, son ancien élève devenu associé. Ces choix visuels ne sont pas seulement un exercice de style ; ils ancrent les personnages dans leurs luttes intérieures et leurs évolutions.
Le rythme de la série est tout aussi remarquable. Si les deux premiers épisodes peuvent sembler un peu lents, l’intrigue prend rapidement de l’ampleur et nous plonge dans un univers où chaque moment compte. Cette série, en plus de ses qualités visuelles, s’affirme donc comme une œuvre cinématographique à part entière.

Un scénario qui défie les certitudes morales
Ce qui rend Breaking Bad aussi fascinante, c’est sa capacité à déconstruire les notions de moralité et d’éthique. Walter White, un professeur de chimie d’une cinquantaine d’années, apprend qu’il est atteint d’un cancer du poumon alors qu’il ne fume pas. Face à cette injustice et à la détresse de sa famille, qui va bientôt s’agrandir, il choisit de se lancer dans la fabrication de méthamphétamines pour assurer l’avenir de ses proches. Cette décision va profondément bouleverser son existence et celle de son ancien élève Jesse.
Le format sériel de Breaking Bad permet de suivre l’évolution de Walter et de ses choix sur une longue période. Selon des philosophes comme C. Taylor et P. Ricoeur, la moralité et l’éthique ne sont pas des destinations fixes, mais des chemins que l’on emprunte1. Ainsi, la série offre au spectateur la possibilité de réévaluer constamment les actions des personnages, d’interroger ses propres jugements et de se rendre compte que, parfois, la frontière entre le bien et le mal n’est pas aussi claire qu’on le croit.
Walter White : héros ou antihéros ?
La série place Walter dans une position complexe : il n’est ni un héros classique, ni un pur antihéros. Si son choix de se lancer dans le trafic de drogue semble immoral, il est également motivé par une volonté de protéger sa famille. Cette tension entre ses actions et ses valeurs profondes est l’un des moteurs de la série. Walter se distingue par sa capacité à s’opposer aux règles de la société : il remet en question la valeur de l’argent, qui, dans notre monde, n’est jugé légitime que s’il est acquis légalement, souvent dans des conditions inhumaines et mortelles.
Sa moralité, bien que discutable, se confronte à celle de la société, qui privilégie l’apparence de moralité. Walter, lui, ne transige jamais sur ses principes : il veut protéger les siens, respecter sa femme, éloigner ses enfants des dangers du trafic, et même « materner » Jesse, un jeune homme désemparé, victime lui aussi de cette société d’apparences.
Cependant, Breaking Bad ne se contente pas de rendre Walter sympathique. La série interroge également la portée de ses actions. Bien qu’il cherche à améliorer la vie de sa famille, son implication dans le trafic de drogue contribue à détruire la jeunesse, en alimentant la violence et la toxicomanie. Ainsi, la série ne nous permet jamais de porter un jugement définitif sur Walter ; elle nous invite à réfléchir aux conséquences de ses choix.

Un génie du mal : Saul Goodman et la libération des personnages
L’un des éléments marquants de Breaking Bad est l’introduction de Saul Goodman, l’avocat véreux et opportuniste qui va jouer un rôle essentiel dans l’évolution de l’intrigue. Ce personnage (qui a sa propre série nommée Better Call Saul), permet aux autres personnages de se libérer des contraintes sociales et d’afficher leur véritable visage. Par son génie à contourner la loi, Saul devient le catalyseur d’une transformation radicale, notamment pour Walter, qui se déconnecte de plus en plus des normes sociales au fil des saisons.

Une critique acerbe de la moralité de façade
Breaking Bad critique ouvertement la moralité de façade qui régit notre société. Elle expose l’hypocrisie qui se cache derrière l’apparence de l’éthique et de la légalité. Après avoir suivi les trajectoires des personnages, il devient évident qu’il est essentiel de forger nos propres valeurs, de les remettre en question et de les hiérarchiser. La série nous montre que, dans un monde complexe, il est nécessaire de choisir nos principes de manière consciente, loin des valeurs imposées par une société souvent dénuée de véritable substance.
1 Claire Cornillon, Sarah Hatchuel et David Roche, « Introduction : éthiques des formes sérielles », TV/Series [En ligne], 23 | 2024, mis en ligne le 25 octobre 2024, consulté le 30 octobre 2024. URL : http://journals.openedition.org/tvseries/7982
A propos de Breaking Bad
Déconseillé aux moins de 13 ans.
Disponible en prêt à la médiathèque Chalucet, ou à l’achat pour moins de 35€ sur le marché de l’occasion.
Pas mal la nouvelle rubrique !!!…
Ça donne envie de regarder et en plus il est disponible en médiathèque…
J’espère que l’on va avoir régulièrement de bonnes propositions
Merci beaucoup! C’est le défi que je compte relever!
Je n’avais jamais entendu parler de cette série
La lecture de cet article me donne envie d’y jeter un coup d’œil
Merci pour pour cette approche
C’est un grand plaisir pour moi de partager avec vous mes découvertes et coups de coeurs!
Merci pour votre retour précieux et encourageant.