- Variole : L’Arme Invisible de la Conquête Espagnole
- Les Épidémies Mortelles : Un Génocide Bactériologique
En juillet 1520, alors que les troupes espagnoles de Hernán Cortés luttent désespérément pour maintenir leur campagne militaire contre les Aztèques, un ennemi insidieux s’infiltre dans les rangs indigènes. La variole, une maladie jusque-là inconnue dans les Amériques, se propage de manière fulgurante. En moins d’un an, elle décime plus de cinq millions de personnes parmi les Aztèques, laissant l’empire fragile et désorganisé face à l’envahisseur européen. Cette tragédie épidémique, survenue parallèlement aux batailles, transforme la variole en une arme de conquête aussi puissante que les canons espagnols.
L’Épidémie de Variole : Un Tournant Décisif
Lorsque la variole s’abat sur les Aztèques en 1520, l’issue du conflit change brutalement. La variole provoque une mortalité dévastatrice, alors que les Espagnols, pour la plupart immunisés, sont relativement épargnés. Contrairement aux Aztèques, les soldats de Cortés avaient déjà été exposés à cette maladie en Europe, développant une immunité qui leur donnait un avantage stratégique majeur.
À Tenochtitlan, la capitale aztèque, la situation vire rapidement à la catastrophe. On estime que la population de la ville a été réduite de 60 % en un an. Pour l’armée aztèque, cette perte humaine massive crée une situation de désarroi et de démoralisation totale. Les soldats malades sont incapables de combattre ou de se déplacer, abandonnant ainsi les villes à l’avancée de l’armée espagnole.

Des Guerriers Désarmés par la Maladie
Les armées aztèques, qui comptaient jadis des milliers de combattants déterminés, se retrouvent vite impuissantes face à une maladie invisible qui décime leurs rangs sans distinction. Incapables de comprendre l’origine de ce fléau, les Aztèques considèrent la variole comme une punition divine, ce qui amplifie leur désespoir. Ce choc psychologique renforce encore l’influence des Espagnols, perçus comme des êtres invincibles par une population locale désespérée.
Cette perception confère aux conquistadors un avantage psychologique, accentuant le choc culturel ressenti par les Aztèques. Désemparés, les dirigeants aztèques peinent à structurer une résistance efficace. Leur connaissance de la médecine, bien que développée, ne permet pas de lutter contre la variole, qui se propage inexorablement à travers l’empire.
L’Avancée des Espagnols : Variole et Armes Supérieures
En plus de l’avantage sanitaire offert par l’immunité contre la variole, les Espagnols disposent d’armes en métal, de chevaux et de tactiques militaires bien plus avancées que celles des guerriers aztèques. Cet arsenal redoutable, renforcé par l’affaiblissement de l’ennemi, contribue à écraser la résistance indigène. Les troupes espagnoles, malgré leurs effectifs réduits et leur fatigue, sont alors capables de conquérir progressivement les territoires aztèques.
L’arrivée d’une deuxième vague de soldats espagnols, accompagnée par un esclave africain et des Amérindiens cubains infectés par la variole, amplifie encore la catastrophe. Cette épidémie importée en octobre 1520 se répand rapidement à Tenochtitlan, propageant le virus dans chaque recoin de la ville.

Témoignages : La Variole Racontée par les Survivants
Les effets de cette maladie sont décrits avec horreur dans des témoignages laissés par des observateurs aztèques et espagnols. Un chroniqueur indigène rapporte que l’épidémie a frappé la ville de manière inarrêtable, rendant la souffrance insupportable. Des plaies purulentes envahissent les corps, les individus sont incapables de marcher, et beaucoup meurent de faim, incapables de se lever pour se nourrir.
Bernal Díaz del Castillo, un chroniqueur espagnol ayant participé à la conquête, confirme cette description apocalyptique de l’épidémie. Il témoigne de l’état de désolation dans lequel se trouvait Tenochtitlan, laissant transparaître l’horreur de la variole et son impact mortel.
Les Conséquences à Long Terme : Un Continent en Péril
La variole ne fut que la première d’une série de maladies apportées par les Européens dans le Nouveau Monde. En 1545, une épidémie de salmonelle frappe à nouveau la population locale, provoquant une chute encore plus dramatique de la démographie mexicaine. En 1600, la population indigène totale du Mexique est estimée à seulement deux millions, alors qu’elle atteignait près de 20 millions avant la conquête.
Cette tragédie démographique est emblématique des conséquences des contacts entre Européens et Amérindiens. La variole, plus meurtrière que les batailles elles-mêmes, agit comme un puissant levier de domination coloniale. À Hispaniola, la population passe de près d’un million d’individus en 1492 à seulement 30 000 en 1520, une chute liée en grande partie à cette épidémie.
L’histoire de la variole chez les Aztèques met en lumière les implications sanitaires de la colonisation. La propagation de virus inconnus a contribué à affaiblir des civilisations entières, facilitant ainsi la conquête européenne. Loin de n’être qu’un événement isolé, la variole est un exemple de l’impact dévastateur de l’arrivée des Européens sur les populations du Nouveau Monde.